Deux blues men de légende encore vivants n’avaient pas manqué ce rendez-vous annuel :
Il existe au moins deux façons d’aborder pareil sujet. En professionnel averti ou en amateur inculte. N’entrant pas dans la première catégorie, il m’a paru vain de chercher à aborder les racines afro-américaines de cette forme musicale à la fois vocale et instrumentale ; tout autant inutile de vouloir détailler ses multiples influences dans le jazz, le rhythm and blues, le rock, la country, la soul, la pop ou même la musique classique ; ou même de souhaiter rentrer dans des explications fumeuses relatives au rythme (ternaire syncopé) et aux harmonies (cadence de 3 accords qui se répètent sur douze mesures) utilisés.
Au mieux pourrais-je tenter modestement de raconter notre soirée du 6 avril dernier.
A vous de juger.
Les mots peinent à décrire ce genre de plaisirs.
De quelle façon évoquer ces 7 200 secondes d'euphorie sonore ?
Je me suis dis que la fréquentation assidue des boîtes de jazz ou des lieux de concerts pouvait être assimilée à une forme d’addiction. À ceci près qu’en l’occurrence, la consommation de blanches, s’accompagne nécessairement d’une absorption concomitante de noires, de croches, de mesures, de tonalités, de changements de tonalité, de notes, parfois « bleues », de gammes, de majeures et de mineures. Un alphabet sonore que nous ne savons, pour la plupart, maîtriser, mais dont nous comprenons le sens.
À l’instar des personnes présentes, je fus sous l’emprise dynamisante, joyeuse, stupéfiante oserais-je dire, de cette came pour musicomanes. A tel point qu’il m’est arrivé d’en avoir la tête qui tournait.
La preuve en images.
Mes fidèles lecteurs me pardonneront un visionnage dont je subodore qu'il va générer quelques torticolis.
Les personnes présentes ont eu droit aussi à une sorte d’instant de grâce. Lorsque le guitariste que l’on voit sur le film précédent (et dont nous avons appris que sa compagne attendait un bébé ce soir-là), a terminé son interprétation sur une ultime note. La note qui dure, qui dure, avant de disparaître. Elle semblait ne jamais vouloir s’arrêter.Nous avons eu le privilège de suivre sa courte existence.
Appelons-la Do. C’est joli pour une note, non ? Ce Do-là vécu une quinzaine de secondes. Il fut d’abord clair, fort et pur. Il prenait son tempo, le Do. Pas pressé de s’en aller rejoindre le paradis des notes. Mais lentement pourtant, il a fini par s’éteindre. Nous assistâmes à la lente agonie d’un Do. Et dans un silence absolu, les regards rivés sur le géniteur électrique, musiciens, serveuses et public, ont rendu hommage ensemble à ce Do Mitigé, désempaRé, pas franchement enthousiaste à l’idée de quitter le Sol du café Rosenberg. Enfin, quand il eu totalement disparu, les gens rirent et applaudirent. Sans doute aurions-nous même pu improviser un gospel pour célébrer les funérailles de l'être cher.
N'est-ce pas le propre de la dépendance que de vouloir à tout prix se procurer le complice de ces momentsde bonheur furtifs ?
Serais-je accro au Blues devenu ?
Qu'importe. Il me suffira de revenir au Café Rosenberg pour un nouveau shoot musical.