Reykjavik Blues Festival

Publié le 18 avril 2009 par Vivreenislande @vivreenislande
Depuis plus d'une dizaine d’années maintenant, la capitale islandaise compte parmi les incontournables vitrines européennes de l’art en général et de la musique en particulier.Reykholt Music Festival en juillet, Rite of Spring Festival et célèbre Reykjavik Arts Festival en mai,Reykjavik Jazz Festival à la fin de l’été ouIceland Airwaves Festival en octobre, la "terre de glace" est en passe de devenir presque aussi connue pour ses volcans que pour ses manifestations artistiques.
Le Festival du blues de Reykjavik, qui s’est tenu du 4 au 9 avril dernier, n’est pas le moins célèbre.
Deux blues men de légende encore vivants n’avaient pas manqué ce rendez-vous annuel :
le pianiste Pinetop Perkins et son jeune comparse, le batteur Willie « Big Eyes » Smith, près de 170 ans à eux deux.

Il existe au moins deux façons d’aborder pareil sujet.
En professionnel averti ou en amateur inculte. N’entrant pas dans la première catégorie, il m’a paru vain de chercher à aborder les racines afro-américaines de cette forme musicale à la fois vocale et instrumentale ; tout autant inutile de vouloir détailler ses multiples influences dans le jazz, le rhythm and blues, le rock, la country, la soul, la pop ou même la musique classique ; ou même de souhaiter rentrer dans des explications fumeuses relatives au rythme (ternaire syncopé) et aux harmonies (cadence de 3 accords qui se répètent sur douze mesures) utilisés.
Au mieux pourrais-je tenter modestement de raconter notre soirée du 6 avril dernier.
Soirée au cours de laquelle nous avons assisté à l’un des concerts donnés au Café Rosenberg (Klapparstígur 25-27), dans le centre de Reykjavik. Tous les mois, festival ou pas, des artistes s’y produisent, dans une ambiance chaleureuse de copains. On y mange (plutôt bien) et on y boit (pas mal !) à prix très raisonnable. Ce soir-là, trois groupes islandais se sont succédés pour deux heures de bonheur que je n’hésite pas à qualifier d’intense.
A vous de juger.


Les mots peinent à décrire ce genre de plaisirs.

De quelle façon évoquer ces 7 200 secondes d'euphorie sonore ?
Je me suis dis que la fréquentation assidue des boîtes de jazz ou des lieux de concerts pouvait être assimilée à une forme d’addiction. À ceci près qu’en l’occurrence, la consommation de blanches, s’accompagne nécessairement d’une absorption concomitante de noires, de croches, de mesures, de tonalités, de changements de tonalité, de notes, parfois « bleues », de gammes, de majeures et de mineures. Un alphabet sonore que nous ne savons, pour la plupart, maîtriser, mais dont nous comprenons le sens.
Écouter n’est pas jouer. Et la jouissance des seconds paraît difficilement comparable à celle des premiers. Mais parce qu’ils nous parlent en sons et que nous leurs répondons d’une attention emprunte d'un bonheur quasi charnel, musiciens et public parviennent à créer une forme de dialogue inhabituel. La communion ainsi créée s’apparente à une drogue inoffensive, de laquelle les uns et les autres prélèvent leur dose, et dont les effets durent le temps d’un solo de guitare ou d’une improvisation de trompette.
À l’instar des personnes présentes, je fus sous l’emprise dynamisante, joyeuse, stupéfiante oserais-je dire, de cette came pour musicomanes.
A tel point qu’il m’est arrivé d’en avoir la tête qui tournait.
La preuve en images.
Mes fidèles lecteurs me pardonneront un visionnage dont je subodore qu'il va générer quelques torticolis.


Les personnes présentes ont eu droit aussi à une sorte d’instant de grâce.
Lorsque le guitariste que l’on voit sur le film précédent (et dont nous avons appris que sa compagne attendait un bébé ce soir-là), a terminé son interprétation sur une ultime note. La note qui dure, qui dure, avant de disparaître. Elle semblait ne jamais vouloir s’arrêter.
Nous avons eu le privilège de suivre sa courte existence.
Appelons-la Do. C’est joli pour une note, non ?
Ce Do-là vécu une quinzaine de secondes. Il fut d’abord clair, fort et pur. Il prenait son tempo, le Do. Pas pressé de s’en aller rejoindre le paradis des notes. Mais lentement pourtant, il a fini par s’éteindre. Nous assistâmes à la lente agonie d’un Do. Et dans un silence absolu,
les regards rivés sur le géniteur électrique, musiciens, serveuses et public, ont rendu hommage ensemble à ce Do Mitigé, désempa, pas franchement enthousiaste à l’idée de quitter le Sol du café Rosenberg. Enfin, quand il eu totalement disparu, les gens rirent et applaudirent. Sans doute aurions-nous même pu improviser un gospel pour célébrer les funérailles de l'être cher.En sortant, j’ai voulu me remémorer les moments forts du concert. Impossible. Je n’ai pu mémoriser aucune des mélodies ou des rythmes entendus. Je ne suis pas parvenu à visionner le film de notre soirée, à rediffuser la quintessence des morceaux qui furent joués. La magie des moments plaisants dont nous nous acharnons à retrouver les bienfaits, tient autant à leur caractère éphémère, qu’à l’impossibilité d’en savourer les réminiscences. Uniques. Ils sont uniques. Uniques à jamais. Je ne conserverai que le souvenir rare et précieux de sensations vécues sans pouvoir les vivre une seconde fois.

N'est-ce pas le propre de la dépendance que de vouloir à tout prix se procurer le complice de ces moments
de bonheur furtifs ?
Serais-je accro au Blues devenu ?

Qu'importe. Il me suffira de revenir au Café Rosenberg pour un nouveau shoot musical.