Délits d’Opinion : Les dernières études d’opinion montrent une crise de confiance de nos concitoyens envers les politiques, les dirigeants d’entreprises et les élites en général. Dans ces conditions, comment s’adresser aujourd’hui à l’opinion pour lui redonner la confiance nécessaire à une sortie de crise ?
Benjamin Lancar : La première nécessité dans le contexte actuel est de dire simplement la vérité, en faisant preuve de réalisme face à cette période de turbulences économiques et sociales. C’est en expliquant aux Français que le monde tel qu’on le connaissait est en train d’évoluer et qu’il est nécessaire de refonder le capitalisme que la confiance pourra revenir.
Le temps est venu de faire comprendre aux français qu’une nation doit parfois savoir faire des sacrifices du moment pour vivre mieux plus tard. En cela, le chemin de la facilité prôné par certains qui veulent distribuer de l’argent à tout va est dangereux car il fait naître de faux espoirs. Il faut se battre pour rétablir la vérité et surtout expliquer aux français les enjeux actuels, car ils sont tout à fait capables de les comprendre : je pense notamment à l’environnement ou à l’endettement, deux sujets qui risquent de peser lourd sur les épaules de la génération que nous les jeunes incarnons. La seule voix possible c’est celle de l’honnêteté et donc de la vérité.
A cela s’ajoute la nécessité de mettre en place une politique de relance efficace. Le gouvernement a choisi de mettre en avant l’investissement, pour encourager le maintien et la création d’emplois, ce qui est la priorité en temps de crise et le meilleur moyen de donner du pouvoir d’achat. Cette politique doit préparer le pays à l’avenir et répondre aux problèmes des Français. C’est ainsi que d’une part de nombreux chantiers voient le jour, comme le développement de quatre lignes TGV simultanément en 2009, mais que d’autre part nos responsables politiques ont choisi de soutenir les jeunes en difficultés en réduisant de quatre à deux mois la durée de travail nécessaire à l’accès aux allocations chômage.
Enfin plus particulièrement pour les jeunes, nous devons proposer une véritable vision politique, afin de lutter contre le chômage qui les touche fortement. Notre réponse est globale et transversale. L’autonomie, que ce soit au lycée, à l’université, dans la recherche d’un logement, ou lors des premiers pas dans la vie active. Nous souhaitons que les jeunes arrivent sur le marché du travail mieux formés et mieux préparés.
Délits d’Opinion : Justement, en quoi l’UMP, et plus spécifiquement les Jeunes Populaires, sont-ils capables de s’adresser à cette catégorie de population dont les préférences partisanes sont plutôt marquées à gauche ?
Benjamin Lancar : Il est nécessaire avant toute chose de rappeler que si les jeunes de 18 à 25 ans ont majoritairement voté pour Ségolène Royal au deuxième tour de l’élection présidentielle en 2007, les 25-30 ans, c’est-à-dire les jeunes qui sont sur le marché du travail, ont fait le choix de Nicolas Sarkozy, qui était le candidat du travail et du pouvoir d’achat.
Cela étant, le désamour historique entre la droite et le centre et la jeunesse n’est pas irrémédiable. La jeunesse est la catégorie de la population qui a le plus soif d’évolution, qui veut le plus changer le monde. Et aujourd’hui, le conservatisme et le statu quo sont plus incarnés sur la scène politique française, par la gauche que par la droite. La réussite des universités - question qui concerne les 18-25 ans - fait aujourd’hui défaut, puisque seules quatre universités françaises sont classées parmi les cent meilleures du monde selon le classement de Shanghai. Sur ce sujet, la droite et le centre souhaitent agir, et les jeunes se retrouvent dans cette volonté.
Par ailleurs, nous souhaitons que l’on arrête de regarder les jeunes comme étant soit dépendants de leur famille soit intégrés sur le marché de l’emploi. Nous défendons une vision autonome de la jeunesse, c’est-à-dire la possibilité pour les jeunes de travailler en parallèle de leurs études ou d’emprunter en sachant que leur diplôme leur permettra de trouver un emploi à la fin de leurs études. Au contraire, une des solutions de la gauche, à savoir une allocation d’autonomie de 800-900 euros comme propose l’UNEF, n’est rien d’autre que de l’assistanat et impliquerait pour les bénéficiaires une mise sous tutelle de la part de l’Etat. En fait, jamais un gouvernement ne s’est autant occupé des jeunes qu’actuellement, que ce soit en nommant Martin Hirsch haut-commissaire en charge des solidarités actives et de la jeunesse, ou en menant une vraie réforme du lycée et de l’université.
Délits d’Opinion : Une partie de l’électorat de droite peut aujourd’hui se sentir désarçonné par des mesures anti-crise mettant en avant l’interventionnisme de l’Etat dans l’économie et les mesures sociales en faveur de catégories spécifiques. Cela ne correspond-il pas à une remise en cause de nombreux fondements idéologiques de la droite ?
Benjamin Lancar : Comme disait le général De Gaulle, « la seule querelle qui vaille c’est celle de l’Homme ». Si hier les individus étaient étouffés par les surcharges administratives et l’assistanat, aujourd’hui la crise est devenue leur première préoccupation. Il n’y a donc pas de contradiction dans les annonces faites par le président Sarkozy et ce désir d’aider nos concitoyens. Nous avons choisi de défendre le travail et les prises d’initiative et continuons de le faire, mais en temps de crise, nous devons particulièrement aussi aider les citoyens, et surtout ceux qui sont le plus en difficulté, notamment les jeunes.
J’ajoute que les valeurs de la droite et notamment les valeurs économiques, n’ont jamais rimé avec la non-intervention de l’état. Contrairement à la gauche qui ne jure que par lui, la droite a toujours réussi à avoir une vision équilibrée de la politique économique. A droite nous sommes conscients que le libéralisme doit être surveillé, encadré, régulé, nous savons aussi que l’Etat est le seul pompier viable en tant de crise. Voilà pourquoi le président de la République n’a pas hésité un instant à faire intervenir l’Etat pour remédier à la crise. Il n’y a la aucune remise en cause idéologique mais bien l’exemple même que à droite on ne fait par rimer économie avec dogmatisme.
Délits d’Opinion : L’Europe fait peur et l’Europe semble aussi la seule sortie de crise pour une majorité de nos concitoyens. A quelques mois des élections européennes, quels messages souhaitent faire passer les jeunes populaires?
Benjamin Lancar : Si les Jeunes Populaires sont sensibles à la question de la construction européenne, il est nécessaire aujourd’hui de ne pas faire preuve de trop de béatitude, mais de se montrer réaliste par rapport au fonctionnement de l’Union. Justement nous pensons que pour servir l’Europe, il faut reconnaître les difficultés actuelles et le scepticisme de la population vis-à-vis de l’Europe.
Ainsi, l’Europe est souvent présentée comme la garantie de la paix. Cette idée, héritée de la seconde guerre mondiale, n’est pas très parlante pour notre génération qui n’a jamais connu de conflit. Mais en revanche l’Europe que nous défendrons, et que je défendrai pendant cette campagne, c’est une Europe qui protège les jeunes, notamment face au chômage, et qui ouvre des portes. N’oublions pas que c’est l’Union Européenne qui a été le meilleur bouclier contre la crise, qu’avec le président français elle a proposé davantage de régulation. N’oublions pas également que l’Europe est un espace d’échanges incroyable, une chance en temps de crise qui doit bénéficier aux jeunes.
A ce titre, nous allons promouvoir une Europe de la mobilité. Ceci passe par une mesure que nous allons proposer : un droit à l’expérience d’un mois pour chaque jeune de 18 à 25 ans, qualifié ou non, dans un pays européen. Ce droit coûterait un milliard d’euros par an et pourrait être financé à la fois par l’Union Européenne, l’Etat, les régions et les départements. Ainsi les jeunes pourront découvrir ce qu’est réellement l’Europe et en béneficier directement.
Propos recueillis par Frédéric Pennel et Mayeul l’Huillier