Soyons clairs: Dead Man et le personnage de Johny Depp, encore un autre William Blake, n'ont pas grand chose à voir avec le poète - et encore moins avec sa peinture. Il y a pourtant une forte identité visuelle, dans Dead Man, qui consiste en une vision infernale et grotesque du western. Le noir et blanc cadre bien avec la condition fondamentale de squelette propre aux personnages de cette danse macabre. C'est drôle et terrifiant. Le film, dans sa structure, tend aussi vers une certaine ascèse, avec ses courtes scènes séparées par un simple fondu au noir.
C'est le personnage de Nobody, un Indien poète et franc-tireur, qui tranche dans cet univers. Nobody, et certainement pas le Nobodaddy de Blake le poète dans To Nobodaddy. Nobody n'est certainement pas cette figure absente et honnie du Père. Il joue pourtant le rôle de guide, dans la quête initiatique du personnage de William Blake, mais n'est pas pour autant un père spirituel. Car sa parole, opaque, semble plutôt celle de l'immanence, celle d'une création encore préservée, encore hantée par les "esprits de la nature", pour parler dans le langage un peu new-age des natives américains.
Dans Dead Man, le rêve américain a franchement tourné au cauchemar.