Le projet de loi « Création et Internet », ou » loi Hadopi, est semé de plusieurs termes plus ou moins obscur. Que signifient-ils? Quelles mesures sont inscrites dans le projet? Quel est l’avenir de cette loi ? Retour sur ce qui suscite beaucoup de réactions…
Tout d’abord, le « projet de loi Hadopi » tire son nom de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) qu’il instaurera. Cette Hadopi contrôlera et punira le cas échéant les internautes qui se livrent au téléchargement illégal. La future loi vise ainsi à enrayer le téléchargement illégal de musique et/ou de films. Pour ce faire, le texte institue un mécanisme de « riposte graduée « , sous la houlette de la Haute autorité administrative. Lorsqu’un internaute téléchargera illégalement une œuvre musicale ou cinématographique depuis Internet, il sera rappelé à l’ordre par l’envoi de mails d’avertissement puis, en cas de récidive, par une lettre recommandée et enfin par la suspension, voire la résiliation de son abonnement Internet.
Selon le ministère de la Culture, le transfert de responsabilités de filtrage et de sanction à l’Hadopi permettra un repérage plus rapide des internautes en infraction. Auparavant, seul le juge pouvait décider d’une sanction à l’encontre des pirates. De plus, le fait de recevoir des rappels à l’ordre permettrait, toujours selon le ministère, d’arrêter les comportements de piratage occasionnel. Selon l’un des conseillers de Christine Albanel, « la future loi s’appuie sur les réussites qui ont déjà été constatées aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne (…) Dans ces pays, une grande majorité des pirates arrêtent les téléchargements illégaux après deux ou trois avertissements« .
Toutefois, les contours de cette loi sont plutôt sombre et le texte fait polémique. La mesure de suspension de l’accès à Internet concentre les critiques des opposants au texte. Ces derniers jugent en effet cette mesure « disproportionnée », puisqu’elle impliquerait une « mort sociale électronique » de l’internaute visé par la sanction. Autre problème, le fait que le repérage des pirates se fassent par des sociétés privées. Ce sont en effet les ayants droit et les producteurs qui repèreront les internautes contrevenants sur le Web, qu’ils signaleront à la Hadopi. De telles enquêtes relèvent actuellement de la compétence judiciaire. Troisième point, la future loi va donner à la Hadopi, autorité purement administrative, des pouvoirs judiciaires. Pourtant, constitutionnellement, l’autorité judiciaire est la seule apte à instruire et juger en matière pénale. Actuellement, les pirates qui téléchargent illégalement risquent jusqu’à 300 000 euros d’amende et 3 ans de prison. Obstacle supplémentaire, et non des moindres, au niveau de la technique cette fois: les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ne sont pas, pour le moment, en capacité de filtrer l’ensemble du réseau. Pourtant, c’est auprès des FAI que la Hadopi récupèrera les coordonnées des pirates.
Il existe donc de nombreux opposants : associations d’internautes, de citoyens, députés européens et français, avocats…Le magazine SVM a créer un dossier spécial « Hadopi » et avait même lancé une pétition en ligne contre le texte. La pétition avait recueilli plus de 47 400 signatures d’internautes, de personnalités politiques, de chefs d’entreprises, d’analystes, mais aussi d’associations très nombreuses et de collectifs d’artistes. Cette pétition fût envoyée aux députés afin qu’ils refusent le texte de loi qu’on leur propose actuellement.
L’Assemblée parlementaire a finalement, contre toute attente, rejetée lors d’un vote à mains levée par 21 voix contre et 15 voix le 09 Avril. Plusieurs explications plausibles :
- la proximité des vacances de Pâques. Seuls 36 députés étaient ainsi présents, sur les… 577 que compte la Chambre !
- le durcissement progressif et récent des mesures anti-téléchargements. Christine Albanel avait notamment maintenu le principe contesté de la double peine, obligeant l’internaute à continuer à payer son abonnement à son fournisseur d’accès internet, même en cas de suspension de celui-ci.
- les députés socialistes ont joué de ruse. Afin de ne pas alerter l’UMP sur le rapport de force, une partie des parlementaires de gauche sont restés en dehors de l’hémicycle, avant d’y pénéter au moment du vote.
La loi Hadopi n’est toutefois pas encore complètement enterrée…Vraisemblablement conscient qu’un nouveau bouleversement du calendrier parlementaire ne servirait pas les intérêts du gouvernement, le président du groupe UMP (Jean-François Copé) a annoncé ce mercredi que l’examen de la loi « Création et Internet » reprendrait à l’Assemblée nationale le 29 avril prochain, au lendemain de la rentrée parlementaire. Christine Albanel et l’Elysée avaient regretté les « manœuvres dérisoires » de députés socialistes entrés dans l’hémicycle pour faire basculer le vote à main levée. Vendredi dernier, la ministre de la Culture était même allée jusqu’à mettre sa démission dans la balance, affirmant qu’elle quitterait son poste si le texte n’était pas représenté.
A moins d’un refus, peu plausible, l’Assemblée reprendra donc l’examen du texte qu’elle avait elle-même approuvé début avril, avant que ce dernier ne parte entre les mains de la Commission mixte paritaire. Il faudra suivre ce qui se passe a la fin du mois…