EPISODE 4 : Où l'auteur se trompe d'histoire mais rectifie (assez) vite le tir et où l'on assiste à un charmant lever de Prince Charmant et d'ex Princesse.
« Pavillon » dix-huitième arrondissement, dans coin le plus pourri de Paris nord
« T'as vu l'heure, gros naze ? » éructa l'ex Belle Monogramme qui, dans sa robe de chambre délavée, rapiécée et constellée de trous de cigarette, ses pantoufles Simpson au pied, ses cheveux gras vaguement relevés en chignon raté, ne ressemblait plus vraiment à une Princesse de conte de fée. « Qui c'est qui va bosser, dis ? Tu te fais du lard au pieu, mais y a plus un rond dans la tirelire cochon ! Fais rentrer la tune, bon dieu ! » Logarithme le Bouffi émit un rot retentissant. « Et toi, qu'est-ce tu fous toute la journée, hein ? beugla-t-il. Tu te les roules du matin au soir ! » Il donna une bonne claque sur le derrière de la Belle Monogramme. « Tu pourrais te bouger les fesses, non ? » « J''arrête pas de me les bouger, rétorqua Monogramme. Pour que ça te sert, bougre de manchot ! » « T'avise pas de répéter ça, connasse ! » hurla Logarithme et il lui retourna une superbe mandale...
Non, ce n'est pas ça. Visiblement, il y a une erreur dans le scénario. Revenons en arrière.
Pavillon dix-huitième siècle, dans parc de trois cents kilomètres de long et deux cents de large.
Le soleil brillait à flots et déversait l'enchanteur spectacle de ses rayons déjà brûlants sur les vertes pelouses qui scintillaient dans la rosée du matin. Mais la lumière n'entrait point dans la chambre dite nuptiale, où Logarithme et Monogramme venaient de passer leur ....ième nuit de noces. Les persiennes étaient closes, l'obscurité régnait, on n'entendait que le vague bruit d'un souffle léger, à peine discernable.
Dans le couloir, devant la porte de chêne massif, s'installait le petit orchestre que la Belle Monogramme avait loué pour l'occasion afin de réveiller en musique son Prince Charmant qui même après .... nuits de noces, restait charmant. Il était arrivé la veille au soir sur sa splendide jument Megane Metal et tandis que s'élevaient les premières notes du délicieux menuet concocté par Lully pour Le Bourgeois Gentilhomme, Logarithme, qui dormait en apnée sous sa couette, ouvrit un œil et commença à ramper en direction de l'oreiller. Tel un gracieux serpent sinueux d'Egypte (ou d'ailleurs), il reptilisa lentement en se déhanchant du mieux qu'il pouvait afin de rendre son apparition encore plus sensuelle aux yeux de la Belle Monogramme -pas encore Princesse de conte de fée, mais ça ne va pas tarder. Malheureusement pour lui, ses ondulations se heurtèrent au vide béant qui s'ouvrait à ses côtés : sa compagne adorée était déjà levée.
La porte du cabinet de toilette s'ouvrit. La Belle Monogramme, vêtue d'un déshabillé très dix-huitième mais que n'aurait pas renié le seizième, apparut, svelte, gracieuse, souple comme un roseau, les pieds nus et le regard langoureux. « Oh, mon charmant Logarithme, dit-elle, à ce moment nettement plus Gilda que Blanche-Neige, j'ai ouï un bruit étrange. Serais-tu réveillé ? J'étais en train de me parfumer. Dis, aimes-tu le parfum dont je me suis enveloppée ? » et elle tendit vers lui sa main et lui jeta nonchalamment au visage le long gant noir qu'elle tenait.
L'orchestre en était arrivé au moment où la sublime musique de Lully doit être jouée un tantinet piu forte. Le son des instruments couvrit la réplique de Logarithme. La Belle Monogramme s'avança vers le lit...
Ellipse du récit.
Lorsque l'orchestre se tut, on frappa discrètement quelques coups à la porte. « Ent'ez », dit Monogramme de sa voix la plus languissante, tellement languissante qu'elle en avait perdu pour un instant ses r. Un serviteur pénétra dans la pièce, portant à bout de bras un plateau généreusement chargé de café aromatisé, de chocolat chaud, de petites viennoiseries et autres pâtisseries exquises et raffinées. Après un salut onctueux, le domestique à la perruque poudrée et à la tenue de majordome posa le plateau sur la petite table basse, fit remarquer à voix haute que le pot de Nutella était à température idéale et demanda s'il fallait tirer les rideaux. « Oh ouiiiiiiiiiiiii, s'il vous plait, fit la Belle Monogramme en s'étirant gracieusement. Laissez la lumière du soleil entrer dans ce merveilleux boudoir. »
Avant de se retirer, le majordome annonça à Mademoiselle qu'elle avait un message urgent qui clignotait sur l'écran de son ordinateur. La Belle Monogramme aux pieds nus poussa un soupir de mécontentement. « Qu'est-ce, encore ? fit-elle, boudeuse. Avez-vous vu le nom de l'expéditeur ? » On inclina respectueusement la tête : que Mademoiselle se rassure, il devait s'agir d'une plaisanterie de mauvais goût, car l'expéditeur signait Myxomatose et qui pouvait avoir un nom aussi ridicule ? Immédiatement, Logarithme s'agita tandis que le visage de Monogramme se crispait d'une fugitive mais très expressive grimace d'impatience. « Le revoilà, celui-là ! grommela-t-elle. Qu'est-ce qu'il veut encore ? Je suis sûre que le message est pour toi, mon Loga adoré. » « Ca m'étonnerait, dit Logarithme en étalant le Nutella sur sa viennoiserie préférée. Il m'a envoyé un mail il y a deux jours : il était dans ma cabane au Canada avec le Caribou Magique et apprenait à patiner, enfin, du moins, il essayait. Il a dû se passer quelque chose. Peut-être qu'il s'est cassé une jambe. Ou les deux.» « On a le temps de voir venir, dit la Belle Monogramme avec insouciance. Le caribou fou est sur Sirius et la statue de Gudule est toujours à la même place. » « Quand même, murmura Logarithme, soucieux. Nous ferions bien d'aller voir. On ne sait jamais. » La Belle Monogramme poussa un soupir d'exaspération. « Rappelle-moi de boxer le lapin putride dès que je le verrai », pensa-t-elle à l'adresse de l'auteur et, repoussant la couette, elle se leva.
(L'auteur va-t-il vraiment lui remettre en mémoire une si inouïe exaction ? Logarithme arrivera-t-il à convaincre l'entêtée la Belle Monogramme que ce message est vraiment sérieux ? Multimédia et Marsupilania ont-elles reçu un message identique ? Qui dit quoi, d'ailleurs ? Et que sont-elles devenues, ces deux-là ? Tout vient à point à qui sait attendre...)