Embraer lance un transport militaire livrable dans 6 ans.
Embraer passe ŕ la vitesse supérieure, cette fois-ci dans le domaine militaire. La Force aérienne brésilienne lui a confié une commande de lancement de KC-390, un biréacteur de transport et de ravitaillement en vol dont les premiers exemplaires devraient entrer en service en 2015.
L’accord a été annoncé ŕ Rio dans le cadre d’un salon régional, Latin America Aero and Defence, alors qu’on l’attendait plutôt au salon du Bourget qui ouvre ses portes dans moins de deux mois.
Il s’agit incontestablement d’une étape importante dans l’essor de l’avionneur brésilien ŕ la recherche d’un meilleur équilibre entre activités civiles et militaires. C’est aussi un pari risqué dans la mesure oů la concurrence est rude sur ce marché difficile. Le KC-390, dont l’appellation est inspirée de la maničre de faire américaine, va s’inscrire, en termes de capacité, entre le Lockheed Martin C-130J et le C-27J d’Alenia, lui-męme talonné par le C-295 produit par la branche espagnole du groupe EADS.
Capable d’embarquer une charge de 19 tonnes par une rampe arričre, le nouveau venu se présente de toute évidence comme un concurrent sérieux du C-130J, l’A400M, le C-17 et le futur C-X japonais jouant dans une autre catégorie, celle des trčs gros avions.
L’initiative d’Embraer est tout ŕ la fois ambitieuse, bien pensée et risquée, en męme temps qu’elle ne manque pas d’originalité. En effet, biréacteur ŕ aile haute doté de commandes de vol électriques, capable de couvrir des étapes longues (jusqu’ŕ 5.000 km), il sera aussi un ravitailleur en vol plus modeste mais évidemment moins coűteux que les machines haut de gamme qui figurent dans les catalogues EADS et Boeing. Une formule qui, en principe, devrait retenir l’attention des Forces armées qui ne sont pas parmi les plus fortunées.
Embraer fournit pour l’instant peu de précisions et, par exemple, ne mentionne pas le type de moteur envisagé. Pas plus que la commande de lancement n’est chiffrée (elle porte probablement sur une vingtaine d’avions). Il a été dit précédemment que le prix unitaire du KC-390 se situerait aux environs de 50 millions de dollars, c’est-ŕ-dire, en ordre de grandeur, 10 millions de moins que le
C-130J. Lancé il y a 2 ou 3 ans, sans doute aurait-il intéressé certains des partenaires désenchantés de l’A400M en quęte de solutions de rechange ou d’attente, compte tenu des retards considérables accumulés par l’avion européen. Cela, bien sűr, en supposant que les Brésiliens soient vraiment capables de livrer les premiers KC-390 dans 6 ans. En matičre de respect des délais, faut-il le rappeler, l’A400M a tout naturellement suscité une méfiance contagieuse.
Embraer, tout en laissant entendre qu’il est pręt ŕ accueillir des partenaires décidés ŕ partager les risques puis les bénéfices de l’opération, a prévu de réutiliser certains éléments de structure du plus gros de ses avions civils, ce qui réduira quelque peu la mise de fonds initiale. Le KC-390 reposera ainsi sur des critčres différents de ses concurrents, d’autant qu’il écarte les turbopropluseurs au profit de turboréacteurs. C’était d’ailleurs le choix initial des concepteurs des premiers projets qui ont mené ŕ l’A400M et peut-ętre regrettent-ils en secret de ne pas avoir persévéré sur cette voie.
Si le KC-390 respecte le calendrier qui vient d’ętre annoncé et s’il entre effectivement en service en 2015, la tentation sera grande d’affirmer que la jeune industrie aéronautique brésilienne est capable de faire mieux que les ténors européens. Autant le souligner d’entrée : męme dans l’aéronautique militaire, il n’est pas judicieux de comparer des pommes et des poires, męme quand la tentation de le faire est grande. De toute maničre, d’ici lŕ, l’A400M sera guéri de tous ses maux et entré en service ou, hypothčse heureusement improbable, sera tombé dans les oubliettes de l’histoire de l’aviation.
Pierre Sparaco - AeroMorning