Les objectifs de la réforme
Le rapport parlementaire apporte en effet un éclairage particulier sur l'actuelle politique de défense, en application du livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et de la révision générale des politiques publiques.
Les orientations retenues par le Livre blanc établissent une base de réflexion qui permet désormais de mettre en perspective d’ici à 2020 la politique de défense. Au-delà du constat sur l’évolution des risques, il consacre principalement six grands engagements :Des prévisions budgétaires compromises
- la construction de la défense doit résolument s’inscrire dans un cadre européen, « la responsabilité des pays européens sur la scène internationale [devant] être assumée » ;
- « logique de concentration et logique d’emploi doivent […] dominer la doctrine, l’organisation, l’entraînement et l’équipement de nos forces conventionnelles », étant entendu que les capacités opérationnelles nationales doivent s’articuler autour de cinq grandes fonctions stratégiques ;
- le format des armées doit être modifié pour l’adapter à ses nouvelles missions mais aussi pour renforcer son professionnalisme ;
- les pouvoirs publics doivent être réorganisés, les responsabilités ministérielles devant être clarifiées avec une gouvernance améliorée ;
- la réforme de l’outil de défense doit préserver l’outil industriel de défense et veiller à maintenir un lien fort entre la Nation et son armée ;
- les crédits de la défense s’inscrivent dans une enveloppe globale de 377 milliards d’euros d’ici à 2020, pensions non comprises, « les économies engendrées par les restructurations [étant] intégralement réutilisées […] au profit des crédits d’investissement ».
D'après le ministère de la Défense, les armées françaises devront réduire leurs effectifs de près de 48 000 personnes d'ici 2014, pour une économie de 3,95 milliards d'euros en frais de personnel et de 1,1 milliards en fonctionnement associé. Les restructurations couteront en parallèle quelques 867 millions d'euros. Et le plan prévoit des "dépenses d'infrastructure" à hauteur de 1,2 milliards d'euros sur la période 2009-2014. D'où une économie nette affichée à 2,75 milliards d'euros (cf. tableau).
Ces prévisions sont cependant contre-dites par l'objectif budgétaire du gouvernement de réduire de 54 000 postes le nombre de personnels de la Défense. De surcroît, le plan de relance voté début 2009 comprend quelques 2,4 milliards d'euros de dépenses non comprises dans les prévisions initiales : lancement d’un bâtiment de projection et de commandement (type Mistral) dès 2009, accélération des livraisons des moyens de protection des hélicoptères (qui font notamment défaut au Tigre), lancement dès 2009 de l’acquisition des premiers bâtiments amphibies (prévue en 2012), accélération des livraisons de munitions pour les blindés ou de jumelles infrarouges, ou la commande de 5 hélicoptères Caracal imprévus.
En d'autres termes, les auteurs du rapport constatent que les objectifs du Livre Blanc, repris par le président français, ne seront pas satisfaits d'ici ... 2015 ou 2016.
Les auteurs du rapport critiquent également la réforme de la carte militaire, qui repose, selon eux, sur des hypothèses hasardeuses : "il apparaît d’ores et déjà que certains principes sont difficiles à appliquer : les bases doivent s’organiser autour d’un site central, toutes les implantations comprises dans un rayon de 30 kilomètres autour du site étant intégrées à la base de défense. Or le rayon de 30 kilomètres arbitrairement fixé ne correspond pas à la réalité des implantations. La constitution de certaines bases de défense ne semble pas toujours assise sur des considérations économiques rationnelles. L’absence d’un réseau informatique commun et généralisé ne permettra pas de limiter les déplacements, ne serait-ce que pour échanger les documents ou faire signer les courriers. L’éloignement des différentes composantes de la base de défense constituera alors une source de dépense et non d’économie."
L'obscur "Pentagone à la Française"
Les parlementaires ont noté que le financement du futur "Pentagone à la Française" reste bien obscur: "Il ressort des auditions que le mode de financement du projet de regroupement des entités centrales de la défense sur le site de Balard n’est pas encore arrêté, pas plus que son montage juridique. Sera-t-il financé sur les fonds propres de la défense, grâce aux ressources exceptionnelles ou par un partenariat public-privé ? De ce dernier cas, l’impact financier de long terme sur les dépenses de fonctionnement du ministère est-il évalué ? Ne risque-t-il d’être finalement supérieur à un achat patrimonial ?"
Les auteurs du rapport sont indulgents : "Il est compréhensible que ces aspects ne soient pas encore tranchés, le projet n’étant encore qu’en phase de réflexion initiale. Des éléments devront toutefois être très prochainement apportés notamment sur le plan financier : l’intégration de ce projet dans l’économie d’ensemble de la réorganisation du ministère risque d’en bouleverser l’équilibre actuel."
Le rapport date du 11 février. Fin mars, c'est-à-dire cinq semaines plus tard, le ministre de la Défense Hervé Morin en faisait l'annonce. Et le projet était chiffré : 3 milliards d'euros !
En résumé, le gouvernement entendait économiser environ 3 milliards d'euros entre 2009 et 2014. Sans compter le plan de relance (qui attribue 2,4 milliards d'euros à la Défense), le simple coût du futur Pentagone à la Française semble remettre en cause totalement cet objectif.
A suivre ...&alt;=rss