« N’y a-t-il pas grand danger à contrefaire le mort ? »

Publié le 17 avril 2009 par Sheumas

  

   Ce titre n’est pas une accroche ! Ni une sourde ironie à l’encontre d’un tiers à qui l’on reprocherait son silence ! Il s’agit simplement d’une citation de la pièce de Molière : le Malade imaginaire. Qui ne l’a pas, au moins une fois dans sa scolarité, abordée d’une façon ou d’une autre ?

   On se souvient au moins de cet Argan hypocondriaque soumis à la tyrannie des médecins et abandonnant son corps à la médecine pour avoir le sentiment d’exister ! Mais à la vérité, et c’est tout ce qui fait le charme de cette comédie, Argan est parfaitement bien portant et n’attend de ses visiteurs qu’une seule chose, c’est qu’ils lui parlent de ses poumons, de son estomac, de son intestin, bref, de son nombril.

   Jusqu’au moment où, par ruse, la servante lui demande de « contrefaire le mort » afin de confondre une hypocrite qui abuse de sa crédulité. A ce moment, Argan refuse vigoureusement l’expédient et se lamente avant de jouer : « n’y a-t-il grand danger à contrefaire le mort ? »

   Ces mots acquièrent une saveur particulière et quasi douloureuse ou mélancolique, c’est selon, si on sait que, lorsque Molière joue le rôle d’Argan, il est vraiment malade et qu’il n’est pas, à la différence de son personnage, hypocondriaque ! Si bien que, à ce moment précis, ce qui est jeu pour la scène et jubilation pour l’acteur (Argan acteur, jouant par dérision sa propre hypocrisie) devient sinistre anticipation du Destin tragique de Molière qui s’effondre lors de la quatrième représentation du Malade imaginaire !

   Quelle pièce ! Quel enjeu que ce texte écrit par un auteur qui se savait condamné et qui a choisi, comme ultime pirouette, celle de l’hypocondriaque ! « N’y a-t-il pas grand danger à contrefaire le mort ? »