Une bonne idée pour les provinciales 2009: un tramway transmodal, le Bus Rapid Transit

Publié le 16 avril 2009 par Servefa

En ces temps d'élections provinciales les partis commencent, les uns après les autres, à préciser leurs programmes pour la prochaine mandature. Si les politiques urbaines sont, a priori, le parent pauvre de ces programmes, nous voyons néanmoins poindre (ou repoindre) des propositions concernant la lutte contre la congestion automobile, notamment, et je ne peux qu'encourager de telles suggestions, en matière de transports publics.

Toutefois, je m'inquiète quelque peu de toujours voir l'ambition de ces programmes politiques qui rêvent à un tramway pour l'agglomération du Grand Nouméa.

Je n'aime pas jouer les oiseaux rabat-joie mais il me semble que le tramway constitue une solution non seulement trop coûteuse, et difficile à entretenir, pour le Grand Nouméa, mais par ailleurs inadaptée à la périurbanisation que connaît le pays.

Mais il faut différencier le concept du tramway, qui consiste en un transport de grande précision horaire et de tracé, obtenu par l'utilisation de voies réservées, et la priorité aux carrefours, du matériel roulant. Ainsi se développe en France l'acronyme TCSP, qui signifie Tansport en Commun en Site Propre. Car, voila bien la clé de l'efficacité des moyens de transports que sont le tramway et le métro.

Il y a une trentaine d'années, ayant fait ce constat, les brésiliens de la ville de Curitiba ont développé un véritable métro aérien...avec des bus ! Le réseau de Curitiba, fichtrement performant, est depuis lors étudié, copié, envié, et même, labellisé par nos amis américains experts en branding, sous le nom de Bus Rapid Transit.

La station tube, et un réseau entièrement en site propre, ont fait du réseau de Curitibà un véritable métro aérien !

L'ingénieur français Georges Amar, spécialiste de l'innovation à la RATP, parle ainsi de transmodalité et d'hydridation des modes. Il s'agit en effet de faire "comme si" on avait un tramway ou un métro, mais d'y faire circuler un autre mode, le bus. Le procédé présente des avantages indéniables:

  • Son coût, bien moins important que celui du tramway, permet à la collectivité de développer un réseau bien plus étendu et de coller véritablement aux modes de vie des citadins périurbains, et non de n'être qu'un mode destiné à la publicité du centre-ville et aux populations les plus riches. Un tel avantage n'est pas sans poids dans une agglomération du Grand Nouméa qui connaît une importante extension urbaine (qu'il faudra par ailleurs penser à contenir...). Par ailleurs, le coût économisé par rapport au tramway (qui exige des rails et une electrification qui plombent son coût) peut permettre d'améliorer la qualité des équipements par ailleurs: stations modernes avec annonce des temps d'attente, bus équipés de wifi, ...
  • Son caractère hybride qui lui permet de rouler en site propre, mais aussi sur des voies partagées (alors qu'un tramway ne fonctionne qu'en site propre). Ainsi, dans le Grand Nouméa, on peut imaginer un bus qui parte de Païta, qui ne connaît pas encore la congestion, et qui, à partir de la ZAC Panda gagne un réseau en site propre (c'est à dire de voies réservées et prioritaires).
  • Son adaptabilité à la topographie, les tramways modernes, en effet, peinent à grimper des pentes au delà de 10, alors qu'un bus peut allègrement passer les 15%. Voilà qui, dans le Grand Nouméa, pour le moins chahuté dans sa topographie, n'est pas un maigre atout !
  • Sa capacité qui permet un véritable développement autour des stations dans une logique de Transit Oriented Development. Les bus utilisés à Bogota ou à Curitiba peuvent transporter jusqu'à 270 voyageurs (autant qu'une rame de tramway à Bordeaux). L'achalandage ainsi créé peut générer la réhabilitation et la construction de véritables quartiers dynamiques.
  • Sa rapidité de mise en oeuvre, les travaux s'apparentent à ceux d'une route (dont le savoir-faire existe sur l'île) et l'ouverture du réseau ne nécessite pas l'arrivée et l'installation d'un matériel roulant particulier.
  • Sa maintenance limitée, il ne s'agit en effet pas d'entretenir et de réparer du matériel roulant complexe et délicat (comme un tramway) mais seulement des bus et des systèmes de feux prioritaires. Ainsi, la collectivité conserve son indépendance vis à vis des grands groupes (tels Bombardier et Alstom) qui généralement ne se contentent pas de vendre un produit mais aussi la maintenance associée, ce qui se révèlent fort coûteux pour certaines collectivités, et sûrement plus encore à l'autre bout du monde !
  • Son évolutivité, ainsi, à Nantes, ligne 4 du tramway a-t-elle été ouverte avec...des bus (dénommés busway). Si à terme, la capacité de la ligne exige un tramway (offrant possiblement une capacité plus importante que le bus), alors il "suffira" à la collectivité d'installer rails et électrification, mais le site propre et les stations, et la dynamique créée par ces dernières, seront existants. De plus, le bus
  • L'image offerte qui peut paraître très moderne et avant-gardiste en fonction du matériel roulant choisi. Ce n'est pas un hasard si Las Vegas a choisi ce mode de transport (par ailleurs mieux adapté à l'étalement de la ville).

A Las Vegas on a bien-sûr privilégié le style, mais il s'agit bien d'un bus !

Ce n'est donc pas un hasard que les villes chinoises, comme ici Changzhou, aient privilégié ce type de transport.

A ce titre, il me semble que les différents partis politiques seraient bien inspirés de voir ce qu'il se fait du côté de Curitiba, Bogota, Las Vegas,  Rouen, Eindhoven, Ottawa, ou Nantes, pour s'imprégner de ce mode hybride entre tramway et bus, qui apparaît des plus adaptés à la situation du Grand Nouméa.

Et vous, BRT ou LRT (Light Rail Transit = tramway) ?