En prenant mon bus ce matin, j’ai adoré revoir Monsieur Hulot sur son solex dans mon Oncle m’annoncer l’exposition Tati qui se tient à la Cinémathèque française . Mais j’ai détesté voir que l’on avait remplacé dans sa bouche sa célèbre pipe par un moulin à vent pour enfant . Ceci à la demande, semble t’il, de la régie publicitaire Metrobus qui sur le conseil de sa direction juridique a pris cette décision scandaleuse pour éviter tout risque de contentieux pour infraction à la loi Evin qui interdit toute publicité directe ou indirecte pour un produit du tabac.
Qu’une direction juridique ait conseillé cette censure « absurde et stalinienne » selon les termes de la commissaire de l’exposition passe encore mais qu’un media, un afficheur (pour moi la publicité c’est la liberté) ait suivi ce conseil et osé s’en prendre à un patrimoine culturel français , ait osé ainsi le travestir , le ridiculiser, c’est d’une tartufferie sans nom . Plus grave, cet épisode montre à quel point la France est entrée dans le « politiquement correct » dont justement la société américaine est en train de se départir .Tant qu’a faire Metrobus aurait pu aussi mettre un casque à Tati/Hulot ou gommer le gamin assis sur le porte bagage derrière Hulot car ceci n’est pas conforme aux réglements actuels de Sécurité routière !
Ceci alors même que sur le plan des actes, la France est au point mort que ce soit sur la prévention du tabagisme ou de l’alcoolisme se contentant de lois d’interdictions sans allouer les ressources de santé publique nécessaires. Il en est de même du traitement du handicap en France et de la lutte contre les discriminations alors que les institutions nationales dédiées s’empilent, pour des résultats en attente d’évaluation .
Ceci me fait revenir sur « l’affaire Grégory Perrin » , déjà évoquée ici et objet d’une mobilisation énorme , qui illustre parfaitement cette « dérive de la posture » et l’échec de la politique d’intégration des personnes dépendantes . Un fonctionnaire, le Directeur du service d’hospitalisation à domicile de l’AP-HP, Jean-Baptiste Hagenmüller, au mépris des lois existantes (celle de 2004 notamment qui proscrit toute suspension de soins de la part d’une institution médicale et exige une obligation de moyen en terme de soins ) décide de « prononcer » la suspension de soins de vie à une personne tétraplégique. Ceci parce qu’elle refuse de souffrir avec un appareil de levage « homologué » et seul agréé par l’administration parisienne (ou son chef de service en l’occurence) et propose que les soignants utilisent un autre appareil de levage qui ne la fait pas souffrir . Grégory est depuis cette décision , soit 4 semaines, toujours dans l’impossibilité d’exercer son emploi . Il a du aussi renoncer à sa vie parisienne , à son engagement citoyen dans un parti politique, à sa liberté, à sa dignité.
Jacques Tati aurait bien décrit cette situation ubuesque , cette déshumanisation du pouvoir, il aurait pris le parti du faible lui .