Ce matin, en guettant mes bagages devant le carrousel de Roissy, je pensais à Tati, qui a dit en 1972 ne s'être jamais ennuyé en attendant dans un aéroport. Moi non plus, mais plus je vieillis, moins j'aime ces lieux de transit impersonnels en diable, où l'on n'a d'yeux que pour les numéros de portes et le sens des escalators, où l'heure n'en fait qu'à sa tête et où les chariots nous font tourner bourricots. Cela étant, quand on fait abstraction de toutes ces contingences et qu'on oublie le risque qu'on a pris à glisser obstinément deux bouteilles de vin canadien en soute (vont-elles exploser sur ma chemise blanche toute neuve ?), il y a matière à faire de belles observations sociétales. Je comprends pourquoi Tati a brouillé les pistes au début de Playtime, où l'on ignore quelques minutes si on se trouve dans un aéroport, une clinique, un salon international… Je suis allée à l'inauguration de l'exposition qui lui est consacrée à La Cinémathèque française, et je me suis régalée. Décors, bruitages, néons…, on est immergé d'emblée dans son univers, que la muséographie réanime à la perfection. J'ai contemplé avec émotion le fauteuil qui soupire dès que M. Hulot se relève, dans Playtime, la poubelle déguisée en colonne antique, le canapé de Mme Arpel, dans Mon Oncle, refait par des designers, les objets mythiques de ses films, rassemblés derrière une vitrine-mausolée avec un Hulot momifié, ou encore la superbe maquette de la villa Arpel, qui a d'ailleurs été reconstituée grandeur nature au Cent Quatre (jusqu'au 3 mai). Quant à l'expo de la Cinémathèque, Deux temps trois mouvements, vous avez le temps justement : c'est jusqu'au 2 août et c'est une pure merveille. C'est les vacances : rejoignez M. Hulot.
Photos : Tati à l'approche de La Cinémathèque française, à Paris. M. Hulot aurait-il adopté le Vélib' ?