C’est un secret pour personne, dés que les partis politiques se mêlent de débats sur lesquels ils ont brillé par leur absence, on arrive très vite à des dérives. Le projet de Loi Création et Internet, quand écoute Christine Albanel, est le fruit d’un large consensus. Si vous internautes, vous entrepreneurs du Net, vous association de consommateurs ou de défense des droits de l’Homme (…) comptaient participer à ce large consensus, vous pouvez vous brosser.
Dans la pratique le large consensus a réuni 15 gus dans un hémicycle et mené au rejet du texte tel que modifié par la Commission Mixte Paritaire, venue ré-instaurer le principe de la double (triple?) peine.
Pour qui connaît mal les us et coutumes de nos élus du Parlement, on peut donc se demander de manière légitime pourquoi si peu de députés étaient présents. Il y a certes le cumul des mandats qui fait que les députés ont un peu de mal à se cloner. La nature technique des débats est évidemment le premier frein à leur participation, peut être ces députés devraient ils mieux s’entourer afin qu’on leur produise la documentation nécessaire pour appréhender ce genre de thèmes.
J’avais récemment tapé un peu fort sur Christophe Ginisty car j’avais trouvé qu’il en faisait beaucoup sur des sujets qui importent peu. Je lui ai quelque part reproché ce que je reproche au MODEM en général depuis plusieurs mois, à savoir des positions pas très claires, se trompant d’ennemi, et surtout un manque de communication sur un thème aussi fort qu’une loi liberticide, inapplicable et très onéreuse. Il faut dire qu’un semblant de position officielle de la part du Modem s’est fait attendre.
Aujourd’hui, je suis très agréablement surpris de lire les propos de Christophe qui reconnaît ouvertement l’accès à Internet comme un droit fondamental. Dans ce billet en réaction au rejet de l’HADOPI, Christophe porte une analyse politique qui a le mérite de soulever de bonnes questions, lourdes de conséquences pour les élus qui ont cru intelligent déserter l’assemblée Nationale pour ce vote. Des conséquences sûrement encore pires pour ceux qui ont eu le courage de se montrer dans l’hémicycle pour soutenir ce projet de loi indéfendable tant sur les plans juridiques que techniques. En pointant du doigt l’effet dévastateur sur la politique du désintérêt des députés légiférant sur un phénomène générationnel, Christophe met le doigt sur un point qui doit avoir une part de vérité : s’afficher en tant que soutient de ce texte indéfendable est un suicide politique. Un texte à la constitutionnalité douteuse couplé au béni-oui-oui technique sur des termes incompris ne peuvent mener les députés non documentés qu’à un vote de soutien politique à un texte voulu par la présidence de la république, quelques industriels du disques, quelques marchands de galettes de plastiques DRMisées ce qui nous fait environ 5 gus au Fouquets qui produisent des inepties techniques à la chaîne … à défaut de savoir fabriquer des ip ou d’avoir consulté les bons forgerons.
Christophe a donc raison, ils ne doivent pas être très fiers les députés de se montrer dans l’hémicycle pour voter cette loi. Pire, le second passage au Parlement risque d’en irriter pas mal dans les rangs de la majorité. Nicolas Sarkozy a carrément promis de s’attaquer à la rémunération des députés absentéistes, et ça c’est une première. Que ne dirait on pas pour plaire à une poignée de people après tout ?
Mais pourquoi les députés réservés n’y vont ils pas tout simplement pour voter contre ?
En cette période pré-électorale, si on veut figurer en bonne place sur une liste européenne, il faut faire profil bas, il faut tenir ses troupes, et ne surtout pas contrarier notre président bien aimé à la rancune tenace.
Mais les députés seront ils aussi dociles le 29 avril prochain, date à laquelle l’HADOPI leur sera alors présentée ? Quid de leur compréhension de ce dossier ultra technique au retour de vacances parlementaires alors qu’ils n’ont pas assisté à la première partie des débats ?
Cette rancune pésidentielle justifie t-elle pour autant que l’on repousse un texte sur la protection de l’enfance pour faire passer “d’urgence” une loi contre le téléchargement sur internet ? Il est évident que non et que les objectifs cachés commencent à se dessiner. Quoi de plus important que la protection de l’enfance ? On se pose encore la question… Carla ? et non ! dans l’eau ! La première dame de France a grand plaisir à être “téléportée”, copiée, “piratée” … si, si :
La protection des créateurs a donc bon dos, surtout quand on voit Monsieur Petitgirard (SACEM) hurler corps et âme pour une licence globale !! Laurent Petitgirard est quelqu’un de sensé qui a parfaitement compris que pas un centime ne reviendrait aux créateur avec l’HADOPI, il prépare donc “habilement” la suite… le beurre, l’argent du beurre et le cul de la crémière !
Tous les artistes n’ont évidemment pas compris la problématique aussi bien que Laurent Petitgirard, mais pour la majeure partie, si cela ne tenait qu’à eux, ils encourageraient le téléchargement de leurs œuvres et négocieraient l’argent là ou il se trouve : dans la TVA et dans ce que perçoivent les producteurs et les distributeurs. Promise par Jack Lang en son temps comme par tous les ministres de la Culture, cette baisse de la TVA n’est plus attendue par personne, et nous lui payons des disques à 20 euros sur lesquels les artistes touchent des sommes ridicules. Mais le prix du CD, ce n’est pas que la TVA abusive pour un produit culturel (le livre par exemple c’est 5,5%… les disques ont donc un caractère fiscalement moins culturel que les livres), c’est aussi une part de gâteaux cumulée énorme pour les distributeurs (qui sont pieds et poings liés face aux majors) et les producteurs (petits ou gros). Les distributeurs physiques sont obligés de courber l’échine devant les pratiques commerciales d’Universal pour ne pas les citer. Universal réprésente des parts énormes sur ce marché, ce qui lui confère une position dominante indéniable. Universal a par exemple il y a quelques années imposé des prix à ses distributeurs en affichant des prix uniques … comme ça sans rien leur demander. Les pratiques des commerciaux sont aussi hallucinantes. Vous pensiez qu’une FNAC ou un Virgin commandait les quantités qu’il désire pour les afficher en rayon ? Et bien non, les commerciaux imposent leur quantités et proposent par la suite un mécanisme de reprise des invendus sur lequel les distributeurs sont bien évidemment les grands perdants
L’appétit des majors est aujourd’hui perceptible même sur Youtube. Tout ceci a commencé par un refus par Google de renégocier les contrats à la hausse sur les diffusions de musiques sur Youtube. Le phénomène est maintenant perceptible en France, si vous éditez des vidéos et leur collez une bande son soumise à droit d’auteur, Youtube coupera la piste audio ! Finit les super montages de vacances avec votre musique favorite ! Si cette pratique arrive en France c’est bien que les majors elles même ont compris que contrairement à ce que racontait Pascal Nègre dans une récente émission de TV, les majors ne vendront pas plus de leur galette en plastique une fois l’Internet sur écoute.
Mais alors ? si tout le monde sait que ceci ne va pas rapporter un kopeck … pourquoi s’entêter à faire passer de force une loi bancale, onéreuse et qui ne profite à personne ? Qui l’HADOPI va t-elle défendre ?
- On sait maintenant que ce ne sera pas les artistes
- On sait maintenant qu’elle ne vise à défendre personne en particulier
On subodore que tout est écrit dans les amendements et que l’histoire du Net hexagonale est scellée dans quelques termes bien flous employés dans ces amendements et que le gouvernement souhaiterait imperceptibles, car il y a du lourd :
- nous parlons de filtrage généralisé, de minitellisation de l’internet, comme l’explique remarquablement Benjamin Bayart (président du premier fournisseur d’accès Internet, FDN)
- nous parlons de mettre les internautes sur écoute permanente en légalisant TOUT DISPOSITIF de filtrage, à tous les niveaux, (ça ne s’invente pas c’est comme ça que c’est écrit dans la loi Création et Internet) permettant de lutter contre “le piratage” … ça fleure bon le “terrorisme”.
La France serait elle sous le coup d’une menace terroriste dont nous n’aurions eu vent et qui aurait pris racine dans les réseaux peer to peer ? Non même pas, c’est juste “au cas où”. Tout passe comme une fleure quand il s’agit de lutter contre le terrorisme, c’est bien plus important de lutter contre le terrorisme que contre l’inceste et l’enfance maltraitée.
Mais pourquoi donc ne pas voter le filtrage généralisé de l’Internet pour lutter contre la pédophilie, contre les faux médicaments responsables de catastrophes sanitaires (…),
pourquoi se choisir comme ennemi des “pseudos pirates” ?
Puis il y a aussi ces petites phrases qui dans la tête de nombreux concitoyens raisonnent comme une menace absolue, le mal ultime. Souvenez vous il y a quelque mois Nicolas Sarkozy s’exprimer en ces termes en parlant d’Internet :
“Comment voulez-vous que les gens achètent des journaux dans les kiosques si le journal est gratuit sur Internet ?”
Pour une personne qui ne connaît que peu ou pas Internet, qui ne sait pas que tous les groupes de presse l’ont investis, adopté et en dégagent même des revenus substantiels, pour l’immense majorité des gens qui ne prennent pas le métro tous les jours et qui ne connaissent pas la presse gratuite qui fait actuellement un carton dans nos grandes villes … Internet, c’est la fin de la presse !
D’où cette magnifique idée de labelliser les contenus diffusés sur Internet ! Une labellisation, c’est un tri méthodique et très sélectif de ce qui est “bien” et ce qui n’est “pas bien’, un peu comme George Bush face à “l’axe du mal”. Et pour lutter contre l’internet du mal, quoi de plus normal pour Christine Albanel que de proposer des listes blanches de sites, contrôlées par le CSA, ultra compétent en la matère ?
On sait maintenant par expérience que ce genre de diabolisation se retourne toujours contre les auteurs. Quand 18 millions d’internautes se réveilleront un beau matin sans pouvoir accéder à Wikipedia , comme ce fut le cas en Grande Bretagne lors de désastreuses expériences de filtrage, parce que les dispositifs feront du zèle ou qu’un ayant droit contestera la présence d’une image ou d’un contenu. Ou quand certains internaute se réveilleront pour constater que leur connexion a été coupée par erreur. Quand l’Europe aura une nouvelle fois condamné le principe de riposte graduée (on le saura le 22 avril prochain) … ces internautes se retourneront contre l’HADOPI, ou leur fournisseur d’accès, ils iront en justice et en toute logique, ils gagneront !
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