Depuis cette époque, les talibans ont effet instauré le règne absolu des tribunaux islamiques, multipliant les exécutions sommaires, décapitant les policiers, détruisant des centaines d’écoles
pour filles et cloîtrant les femmes à la maison. « Vous avez jusqu’au 15 janvier pour arrêter d’envoyer vos filles dans les écoles. Si vous passez outre cet avertissement, nous tuerons ces
filles », avait déclaré, fin décembre 2008, le fanatique religieux Maulana Fazlullah. « Nous avertissons également les écoles qu’elles ne doivent accueillir aucune fille, sinon nous
ferons exploser leurs bâtiments », avait-t-il ajouté. Officiellement, 1580 écoles sont toujours recensées dans la vallée de Swat, autrefois connue pour ses établissements scolaires de haut
niveau, a précisé à l’AFP un responsable du ministère pakistanais de l’Education, Naeem Khan. Mais le secteur éducatif a beaucoup souffert des affrontements entre les islamistes talibans et les
forces de sécurité pakistanaises. Selon M. Khan, les talibans ont déjà détruit 252 écoles, dont « la plupart où les garçons et les filles étudiaient ensemble », et seules quelques
écoles sont encore ouvertes à Mingora, la principale ville de la région.
Une récente vidéo a mis le feu aux poudres : elle montrait une jeune fille de 17 ans sauvagement fouettée par les talibans pour être sortie, selon leur version, dans la rue avec un homme qui
n’était pas un parent. La diffusion de la vidéo a entraîné des manifestations monstres de Pakistanais (plus de 70.000 personnes) dans les rues d’Islamabad pour dénoncer l’ordre islamiste.
Mais les talibans poursuivent et revendiquent leur obscurantisme : « Les femmes ne seront pas autorisées à travailler ou à se rendre sur les marchés car nous ne voulons pas qu’elles se donnent en public », a indiqué le 14 avril dernier Muslim Khan, le porte-parole des talibans de Swat. Pour les hommes, cheveux et barbes sont sous haute surveillance pour correspondre aux standards islamiques. Même la campagne de vaccination contre la polio a cessé, celle-ci ayant été dénoncée comme « un complot occidental visant à stériliser les bébés ». Résultat : des centaines de morts en prévision, selon les ONG.
C’est dans ce contexte que David Kilcullen, l’un des plus influents conseillers d’Obama en matière de contre-insurrection, a averti le 13 avril : « Le Pakistan pourrait s’effondrer dans quelques mois. La sécurité du monde entier est en jeu ». L’avertissement intervient au moment où les États-Unis redéploient leurs forces militaires et leurs diplomates pour tenter d’endiguer la montée de la violence et de l’anarchie en Afghanistan et au Pakistan. « Nous devons affronter le fait que si le Pakistan s’effondre, cela fera paraître anodin tout ce que nous avons vu jusqu’à présent dans ce que nous appelons maintenant la guerre contre le terrorisme », a-t-il ajouté. Voilà qui démontre une fois encore la justesse des analyses de Barack Obama, conscient de l’échec dramatique de la stratégie bushiste en Afghanistan et au Pakistan. Pour tenter de rattraper les errements néoconservateurs, Obama a dévoilé sa politique « Afpak » à Washington le mois dernier, une nouvelle stratégie tellement globale en Asie centrale que certains analystes appellent maintenant le conflit transfrontalier « la guerre d’Obama ».
Comme en Afghanistan, les talibans pakistanais sont désormais implantés dans les deux tiers du pays, que le gouvernement ne contrôle plus. Rappelons que le Pakistan dispose de plus de 100 armes nucléaires : une main mise d’Al Qaeda sur ces armes par l’entremise des talibans signerait une incommensurable catastrophe pour le monde.
Sources : Point de Bascule | Times of India | Libération