Madame Yvonne Cloarec, diffuse une lettre ouverte sur la réforme des lycées. Les propos des signataires de l'Appel pour la refondation de l'école affirmait : "Les bases n’étant plus acquises, le travail des professeurs du secondaire devient de plus en plus difficile, voire impossible."
****************************
Lettre de Madame Yvonne CLOAREC, professeur d’anglais à Monsieur Richard DESCOINGS, directeur de Sciences Po, chargé de mission sur la réforme du lycée.
Il y a quelques années, les professeurs de lycée se sont réunis (lors des travaux de la commission Thélot, je crois) et leur constat était unanime : les difficultés de nos élèves provenaient essentiellement de la mauvaise maîtrise du français qui était la leur. Il ne me semble pas que nos remarques aient été prises en considération…
A quoi bon réformer le lycée quand continuent d’arriver au collège des cohortes d’élèves incapables de manier ou d’analyser leur propre langue ? Ils traîneront ce boulet tout au long de leur scolarité, la rendant du même coup illusoire, tout comme le bac qu’ils auront.
Les professeurs de langue sont peut-être les mieux placés à l’heure actuelle pour mesurer les effets de la débâcle de l’enseignement du français à l’école primaire (on a réduit les heures d’enseignement en soutenant –c’est bien commode !- qu’on fait aussi du « français » dans les autres disciplines) ou au collège (enseignement du français en « séquences », enseignement de la grammaire non progressif, au hasard des rencontres dans les textes.)
Des élèves qui ignorent tout des temps, des modes, des voix, des natures, des fonctions ont été délibérément amputés et sont condamnés : dans le meilleur des cas on leur fera un peu de « soutien » (ou comment réparer en 1h par semaine 9 ans de lacunes…) et plus tard un peu d’ « affirmative action » (ou comment faire semblant de rétablir un peu d’égalité là où l’école de la République n’a tout simplement pas fait son travail ?)
Nous (je ?) demandons (demande) le retour à des méthodes d’enseignement progressives, où l’élève est très encadré, où il n’a pas à « construire son propre savoir », où le professeur (l’instituteur) TRANSMET, et l’élève apprend, (la grande plainte des professeurs aujourd’hui, c’est que les élèves n’apprennent pas, mais, franchement, dans ma discipline, quand je regarde les livres de collège ou les cours destinés au primaire, je me demande comment, moi, j’aurais fait pour apprendre un tel fouillis !). Je demande la fin du mythe de « l’autonomie » de l’élève, qui n’est jamais qu’une autonomie décrétée par l’adulte et pas le fruit d’un long apprentissage, d’un long accompagnement. Je demande le retour au B.A : BA, aux « fondamentaux » : savoir lire, écrire, compter, calculer ; l’arrêt des gadgets : itinéraires de découverte, TPE, ECJS etc…
Que les contenus soient peut-être moins ambitieux (en outre cette ambition est un leurre quand on voit les copies des élèves de terminale : au bac blanc an mars, Terminale L : 5,8/20 de moyenne en groupe 1 et 7,9/20 de moyenne en groupe 2…) mais précis et qu’on exige qu’ils soient maîtrisés par les élèves pour poursuivre leur cursus.
On nous rebat les oreilles avec la sempiternelle phrase « les élèves ont changé ». Non. C’est l’école qui a changé, et qui ne donne plus aux élèves les outils de base, qui les trompe en leur parlant d’ « ouverture au monde » et de « compétences de conversation », qui leur fait croire que leur bac vaut quelque chose alors qu’il est pitoyable.
Et après on s’étonne que les « 16-25 ans aient perdu foi en l’avenir » ! (Le Monde du 10 mars 2009).