Une saveur d'enfance enfin retrouvée : la tome de brebis pyrénéenne

Par Natalia Kriskova

Au moment où j'écris le titre de ce billet, je réalise que j'ai largement outrepassé la date limite (31 août) du jeu lancé par Clairechen : « La recette de mon enfance ». De toute façon, dans ce qui va suivre, point de recette, seulement quelques souvenirs d'enfance… souvenirs gustatifs bien sûr.

Récemment revenu de vacances dans les Pyrénées, mon père nous a rapporté de la tome de brebis. Si vous avez déjà croisé de l'Etorki ou de l'Ossau Iraty, voire de l'Abbaye de Belloc, vous avez forcément une idée de ce dont il s’agit. Enfin, une pâle idée. Imaginez plutôt la version artisanale de ce fromage, faite avec du lait de printemps, et achetée directement au producteur, sur place. Une meule entière, 4 kg...


Dans la famille, il y a du sang Pyrénéen. Papa est un pur Bigourdan. Le côté maternel, c'est une autre histoire : plus bigarré que bigourdan. Une enfance et des études presque exclusivement parisiennes m’ont beaucoup éloignée de mes origines diverses et variées. Ajoutez quelques séjours dans la botte italienne, un mariage slavo-ch'ti, un détour par l'Afrique... Bref je ne me sens pas vraiment pyrénéenne, mais plutôt parisienne (et c’est ainsi que ma famille me considère… N’empêche que le Sud-Ouest pyrénéen représente la moitié de mon patrimoine génétique.
 

A une époque où j’avais décidé que je mangeais si je le voulais, ce que je voulais, et de préférence ailleurs que chez mes parents, le fromage de brebis des Pyrénées faisait partie des rares aliments dont la présence dans mon assiette ne provoquait pas de psychodrame (avec les pommes de terre sautées, les œufs au plat et le roquefort). Cela fait longtemps que j’ai mis fin à un tel extrémisme, quoique mon rapport avec la nourriture reste toujours un peu compliqué.

La tome de brebis des Pyrénées est restée mon fromage fétiche, tellement chargé de souvenirs qu’il ne saurait être comparé à aucun autre… C’est le fromage des vacances de mon enfance. Pourtant depuis quelque temps je n’en achetais plus, ayant toujours été déçue, même chez de très bons fromagers parisiens : impossible de retrouver le goût enregistré dans mes souvenirs. Or le miracle s’est produit avec cette extraordinaire tome rapportée par mon père, d’un blanc marmoréen, parfaitement lisse, une merveille à regarder, un plaisir inégalable en bouche.

En matière de fromage, je suis une puriste : souvent, je le mange sans pain, à la fourchette et au couteau, avec quelques feuilles de salade. Depuis que je suis sortie de l’enfance, évidemment, je ne dédaigne pas le vin, le cidre ou la bière (selon le fromage). Je peux en faire mon repas entier, comme aujourd’hui, mon homme a été retenu par un déjeuner de travail, et je n’avais pas envie de cuisiner.

Avec du brebis pyrénéen, on vous proposera le plus souvent de la confiture de cerises noires. Il est de plus en plus à la mode, de toute façon, d’accompagner le fromage de confitures ou de chutneys, de pâtes de coing, etc. Si le fromage est très bon, bien affiné, il se passe de ces douceurs qui n’apportent pas grand chose à mon humble avis. Je préfère de loin des fruits frais, par exemple un peu de Chasselas ou des figues mûres à point. Et s’il faut mettre un vin là-dessus, je préfère un blanc qui ne soit pas trop sec à un rouge du Sud-Ouest (mais sur la photo c'est bien du rouge...), souvent un peu râpeux. Essayez et jugez avant de me traiter d’hérétique !