Les métiers de la boîte à musique...

Boîte à musique actuelle fabriquée par la Maison Reuge La boîte à musique a été l'industrie principale dans la région de Ste-Croix durant près de deux siècles. Je vous en ai longuement parlé dans ce billet il y a 3 ans... Je vous y présentais, entre autres choses, les différents métiers gravitant autour de cette industrie. Et puis l'autre jour, au Musée, j'ai vu que des petits tableaux avaient été fixés aux murs de notre nouvelle cafétéria. Ces tableaux montrent justement ces différents métiers. D'ores et déjà je vous prie de bien vouloir m'excuser de la mauvaise qualité des photos, ces tableaux étant derrière un verre, je ne pouvais pas les décrocher, et de plus elles ont été faites avec mon téléphone… Alors en voiture Simone :

Le piqueur transposait la musique sur le cylindre en y marquant l'emplacement des goupilles (petites pointes qui font vibrer les lames lorsqu'elles passent dessus et il peut y en avoir plusieurs milliers - jusqu'à 35'000 pour les très grosses pièces…).

La goupilleuse (généralement des femmes dont ma maman…) plantait les goupilles aux endroits marqués par le piqueur.

Le poseur frise les goupilles une fois plantées par la goupilleuse pour qu'elles aient toutes la même longueur…

Le fendeur de claviers va, lui, ”scier” des plaques d'acier pour en faire ressortir les lames…

Clavier...

Fonction tout à fait claire… Là, il faut une sacrée bonne oreille… Il va soit enlever soit ajouter de la matière à une lame pour que la note soit juste…

C'est la personne chargée de vérifier que les accords se fassent bien (attention, ce n'est pas la même chose que l'accordeur et ce travail se fait en tout dernier…). Elle va plier vers l'avant la goupille afin que lorsque plusieurs notes doivent se faire en même temps, les accords soient harmonieux… Cylindre et clavier...

Il y a d'autres ”métiers” qui ne sont pas en gravures. Vous en aurez connaissance en cliquant sur le lien rouge au début de ce billet…

Je vous ai dit plus haut que ma maman avait travaillé à domicile sur la petite musique (”petite musique” étant le terme en usage dans la région de Ste-Croix pour parler de la ”boîte à musique”). Voici les quelques lignes qu'elle a écrites à ce sujet :

”J'ai travaillé pour les petites musiques de 1951 à 1960. J'ai commencé par goupiller (voir ci-dessus…) pour les usines Mermod, Alexis Jaccard et Milleron. Le salaire pouvaient varier de 40 fr à 50 fr. selon le nombre de pointes (note du Père CA : ma maman pouvait en mettre jusqu'à 700 par heure, soit 1 toutes les 5 ou 6 secondes). Les paquets de goupilles étaient à ma charge et coûtaient 2.80 fr. les 20'000. J'employais plusieurs grosseurs de goupilles du no 38 au no 44. Avec mon mari qui me donnait des coups de main, nous mettions la table devant la radio et nous travaillions en écoutant avec passion les pièces de théâtre ou policières. Ensuite j'ai trouvé à faire des finissages qui étaient mieux payés (note du Père CA : le finissage est le travail consistant à fixer le volant dans sa cage, c'est-à-dire la pièce qui tourne et qui fait office de frein à air et que l'on trouve dans toutes les pièces à cylindre). D'abord pour Reuge, ensuite pour Lador et André Gueissaz (note du Père CA : seul Reuge subsiste aujourd'hui). Reuge et Lador payaient 2.50 fr. le cent et Gueissaz 2 fr. En travaillant tous les jours, j'arrivais à me faire entre 80 et 100 fr. par mois…”

Finissage...

A 13 ans, j'avais envie d'un vélo que j'ai demandé à ma maman. Elle m'a dit qu'il n'y avait pas de problème mais que je devais le gagner moi-même. C'est ainsi que j'ai œuvré en tant que commissionnaire pour une petite boîte de décolletage. Après l'école, durant une heure, et ce jusqu'à mes 16 ans, j'allais livrer des vis servant à la fabrication des boîtes à musique dans les différentes usines de la place, pour 30 fr. par mois au début puis 40 fr. par la suite… En trois ans, cela doit bien représenter quelques millions de vis. Et il doit y avoir encore pas mal de boîtes à musique à travers le monde munies de vis que j'ai très vraisemblablement transportées… Pour ce faire, j'avais un petit char à roues cerclées au début, puis avec des pneus pleins ensuite. Le petit atelier pour lequel je travaillais était plutôt sur les hauts du village, les usines en contrebas. Comme tous les commissionnaires de l'époque et du village, dès que je me trouvais en face d'une rue en pente descendante, je m'asseyais sur le char et je guidais le timon avec les pieds… Je ne vous explique pas dans quelles situations très périlleuses je me suis parfois trouvé… Ben justement, une fois, le char s'est renversé, juste au dessus d'une grille d'égout… Bien entendu, la caisse contenant quelques milliers de vis s'est déversée dans la grille. Je suis rentré tout penaud à l'atelier. Mon patron, un très brave homme, ne s'est pas fâché du tout, disant que cela pouvait arriver. Il a remis les machines en route et a travaillé toute la nuit pour que les vis soient à disposition du client…

Voilà, c'était un billet plus en souvenirs qu'autre chose. C'était vraiment une belle période. J'ai eu une enfance très heureuse et j'en remercie de tout coeur ma maman… Si je vous raconte tout ça, est-ce parce que je sens la fin ? C'est vrai que samedi, j'aborde la dernière ligne droite avant que l'on me traite de sexe à génaire… L'autre jour, j'ai même été au cimetière de Tourdeau-City, pourtant à quelques dizaines de mètres de chez moi, pour la première fois. Je voulais juste voir dans quel coin on me mettra bientôt…

A plus…

PS : je ne peux que vous conseiller l'excellent ouvrage de Jean-Claude Piguet, "Les faiseurs de musiques", qui fait référence en matière de boîte à musique dans la région de Sainte-Croix.