Mythologies

Publié le 16 avril 2009 par Marc Lenot

La galerie londonienne Haunch of Venison (Quartier de Venaison) a déménagé de la rue qui lui a donné son nom à un bâtiment somptueux, ancien musée de l’humanité à l’arrière de la Royal Academy of Arts. Pour inaugurer ce nouveau lieu, elle a concocté une exposition complexe et décevante, Mythologies (jusqu’au 25 avril). Avec plus de 60 artistes, cette exposition voudrait ‘explorer les histoires que nous racontons sur le monde afin de le comprendre’. Ce n’est qu’un cabinet de curiosités rassemblant des artifices divers sous un prétexte anthropologique dans un espace qu’ils peinent à occuper. A part une mini-version du Théâtre d’ombres de Christian Boltanski (qui orna le Musée d’Orsay à plus grande échelle) et des photographies de statues mutilées de Sophie Calle, travail que je ne connaissais pas, je n’ai guère été impressionné que par Kounellis et par Viola.

Jannis Kounellis occupe toute une salle avec des manteaux noirs cloués au sol par des boules de plomb et cernés d’une file de chaussures usagées. J’y ai vu une évocation tragique, une absence, un souvenir de vestiaires mortels, une allusion à la Shoah peut-être, ou à des soldats morts au combat, mais, quelle que soit l’image historique ou sentimentale qu’on y projette, cette installation occupe magistralement  l’espace de toute la salle selon une grille géométrique comme un damier, un jeu de go (Sans titre).

Bill Viola, avec Incarnation, présente un passage de l’ombre à la lumière, de la grisaille à la couleur, du flou au visible, du néant à la vie : deux caractères, un homme et une femme nus, crèvent l’écran, franchissent un rideau d’eau qui délimite deux mondes, puis, effrayés, retournent lentement à l’ombre. L’eau joue sur leur corps comme une lumière. On croirait Adam et Eve dans un tableau médiéval.

En face, six caractères effectuent individuellement le même passage dans des écrans de petite taille, alignés comme une prédelle : chacun à son rythme, jeunes et vieux, hommes et femmes, noirs et blancs effectue ce même cycle, de la mort à la vie et retour à la mort. Les écrans tour à tour s’animent et se colorent, puis retournent à la grisaille (Small Saints). C’est une très belle histoire, de vie, de religion peut-être.

Photos de l’auteur.