Dans La reconstruction, il est question de mémoire...
Nous sommes à Paris, en 2003. Jérôme Lafargue, professeur de littérature française à la Sorbonne, est contacté par un inconnu à son domicile, un Allemand, lui-même professeur d'histoire. Ce dernier a découvert des documents chez son père qui remettent en cause son identité, le déclarant mort peu après sa naissance. Au milieu de ces papiers intimes, se trouvait également la photo de Jérôme et de sa femme Jana, prise trente-cinq ans plus tôt alors qu'ils venaient tout juste de se rencontrer. Jérôme se souvient avoir effectivement été hébergé quelques nuit par un dénommé Wenzel Launer, à Munich, en 1968. Pressé par ce fils en plein questionnement de découvrir dans sa mémoire le lien qui le lierait à eux, Jérôme mène une enquête au fond de ses souvenirs. Devenu père aujourd'hui d'un grand garçon indépendant et le fils d'un homme dont la mémoire est de plus en plus emmêlée, il constate très vite combien ce cheminement l'aide à mieux comprendre et apprécier son présent...
Eugène Green est habituellement metteur en scène et cinéaste, La Reconstruction est son premier roman. Et on reconnaît facilement cette patte là, indéniable, dans la focalisation choisie par le narrateur, distante et exterieure aux pensées des personnages. Cela aurait pû donner au texte beaucoup de froideur mais ce n'est pas le cas, juste un sentiment particulier d'étrangeté. Ce sentiment dépassé, et grâce aux morceaux du journal que Jérôme tient, on entre assez vite dans un récit bourré d'émotions. Il faut aller au bout de ce court roman pour en apprécier toute la richesse, mystique et romanesque. Un bien joli moment de lecture.
Un extrait...
"Jeudi 10 avril
Je pense au sonnet grincheux d'Alvaro de Campos.
Si aujourd'hui j'existe, c'est par le souvenir de sensations que j'emmagasine depuis cinquante quatre ans, voire, car j'ai parfois cette impression, depuis bien plus longtemps encore. Les sensations qui ne contribuent pas à mon sentiment actuel d'existence, je les ai abandonnées en route. Ma mémoire active n'est pas ma réalité, mais la métaphore que j'ai construite pour me faire voir ce que je pense être.
Hier matin un homme m'a prié de lui construire, à partir de ce même fond, une métaphore de ce qu'il est. Sa demande nous met tous les deux devant un abîme effroyable."
ISBN 978 2 7427 7688 7 - 18€ - Août 2008
Laurence, sur Biblioblog, a un avis plus réservé - tandis qu'Ariane a écrit sur ce livre un billet tout en émotion, que je partage (voir la deuxième partie de son article)