Avec un peu (beaucoup) de retard, je reviens sur l’attribution du prix Abel au mathématicien franco-russe Mikhail Gromov. Les bonnes nouvelles ne sont pas si fréquentes et ça tombe plutôt à pic dans l’actualité “Pécressèque” et l’acharnement gouvernemental à démanteler la recherche fondamentale française. Donc, l’Académie norvégienne des sciences et des lettres a décerné à Mikhaïl Gromov le prix Abel, créé en 2003 par la Fondation Abel pour pallier l’absence de prix Nobel de maths. A la différence de la célèbre médaille Fields (décernée tous les quatre ans à des chercheurs de moins de 40 ans), cette distinction couronne l’ensemble d’une œuvre. Celle de Misha Gromov est considérable.[…]
“Typiquement, sa méthode est d’accumuler une série de concepts qui paraissent au premier abord un peu grossiers et simples, dit le mathématicien Jean-Pierre Bourguignon, directeur de l’IHES. Mais quand vous parvenez à les enchaîner comme il faut - c’est-à-dire comme il le fait - alors des phénomènes mathématiques complètement nouveaux apparaissent brusquement.”
Misha Gromov ne s’est pas rendu célèbre par la démonstration tonitruante d’une conjecture. “Il est plutôt un concepteur, quelqu’un qui, dans un seul article, aligne une centaine de théorèmes que la communauté des mathématiciens mettra dix ou quinze ans à absorber”, explique M. Bourguignon.
Pour le mathématicien Marcel Berger, ex-directeur de l’IHES, il faut revenir à des figures “comme celles de Bernhard Riemann (1826-1866) ou Henri Poincaré (1854-1912)” pour retrouver des savants dont les travaux ont autant irrigué à la fois la géométrie, l’analyse et l’algèbre. “Quelqu’un a un jour demandé à Einstein ce qu’il faisait quand il avait une idée, résume M. Berger ; il a répondu : “Des idées, on en a une ou deux dans sa vie” ; Misha Gromov, lui, en a eu cinq ou six.”
Né en décembre 1943 en Russie, à Boksitogorsk, il découvre les mathématiques à 9 ans, grâce à sa mère qui lui offre Nombres et figures de Rademacher et Toeplitz. “J’étais incapable de tout comprendre, mais le livre m’a certainement influencé”, dira-t-il en 1999 dans un entretien. Il obtient un premier doctorat de l’université de Leningrad en 1968, et un poste de maître-assistant. Mais il veut quitter l’Union soviétique. Comment partir ? En entrant dans une manière de clandestinité mathématique. Car pour quitter l’URSS, mieux valait ne pas passer pour un cerveau d’exception. Quelques légendes se sont forgées sur cette période dont il n’aime guère parler. Ayant repris le nom de sa mère pour établir ses nouveaux papiers d’identité, il obtient l’autorisation d’émigrer vers Israël en 1974. Lors d’une escale à Rome, il file aux Etats-Unis où on lui offre un poste de professeur à l’université de l’Etat de New York à Stony Brook. “Ce furent des années extraordinaires, se souvient M. Bourguignon. Il a en quelque sorte été “confessé” par les mathématiciens de Long Island et il a pu raconter tout ce qu’il avait gardé dans sa tête et qu’il n’avait pu écrire pendant sa “clandestinité mathématique”. Nous étions abasourdis.”
Au début des années 1980, il rejoint l’université Paris-VI puis, en 1982, devient professeur permanent à l’IHES. C’est toujours là, à Bures-sur-Yvette (Essonne), qu’il mène ses recherches.
(Extraits de l’article paru dans l’édition du Monde du 27.03.09, Stéphane Foucart)
Mikhail Gromov
http://marianacook.com/Cook_gallerymath.html
“En Amérique, beaucoup de mathématiciens deviennent rapidement limités car ils sont tenaillés par l’urgence de publier et d’obtenir des subventions. [...] En France, les choses vont beaucoup mieux.” Mikhail Gromov
Jusqu’à quand ? Adeline W
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 23 avril à 14:27
MISHA GROMOV EST L'UN DES PLUS GRAND GEOMETRE VIVANT DU SIECL