J'ai écrit plusieurs billets au sujet du RSA sur ce blog, notamment sur l'impact discriminatoire qui consiste à classer les chômeurs en catégories de "méritants" et de "non-méritants" sans prendre en compte le parcours de chacun et les difficultés personnelles (santé, familiales, sociales, etc) qui sont parfois plus fortes que toutes les incitations de retour à l'emploi.
Le RSA est en test depuis juin 2007 dans 34 départements, et entrera en vigueur sur tout le territoire français dès le 1er juin 2009. Il permettra aux différents foyers tributaires des aides sociales et à faibles revenus de s'assurer des ressources financières complémentaires en cas de retour à l'emploi, accompagnant ainsi les différentes contraintes à prendre en compte dans ce cas (garde des enfants, frais de transports, ...). Les Echos publient aujourd'hui les études menées par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), DREES RSA.pdf,pour le compte du ministère du travail : en comparant les départements test avec des départements "témoin", ils mettent en valeur les limites de ce dispositif :
- le RSA ne favorise pas l'accès à l'emploi ou son maintien, sauf sensiblement pour les personnes seules et sans enfant, et pour les diplômés... ==> rien donc pour ceux qui sont soumis aux plus grosses contraintes qui perturbent les chances de trouver du travail.
- le RSA n'ouvre pas la porte à d'autres emplois que ceux qui sont occupés actuellement ==> rien donc pour répondre à la pénurie de main d'oeuvre dans certains secteurs.
- le RSA conduit à trouver des emplois aux salaires plus faibles, à temps partiel, et de courte durée ==> rien donc pour réduire la précarité et envisager un parcours professionnel à long terme.
- le RSA répond aux mêmes motivations de retour à l'emploi que pour toute personne retrouvant un travail ==> rien donc pour favoriser l'insertion des plus éloignés de la vie active.
Néanmoins, on constate une forte baisse du nombre de contrats d'insertion dans les zones tests... Est-ce à dire que le RSA remplace numériquement l'insertion???
- le RSA qui prévoyait à l'origine un accompagnement de la part d'un référent ne permet néanmoins presque aucun suivi durant la période de retour à l'emploi ==> rien donc de nouveau pour encourager la construction d'un projet professionnel à long terme.
En attendant, le gouvernement nous prépare sa stratégie de communication pour célébrer la généralisation de ce dispositif dans notre joli pays...
Le RSA, sous couvert de réelles bonnes intentions, ne se contente donc pas de creuser le fossé entre la "France qui se lève tôt" et la "France des exclus"! En plus, il ne sert ... à rien. La politique de l'emploi devrait plutôt englober la population en âge de travailler de manière plus transversale et mettre l'accent non pas sur ceux qui "méritent", mais sur le système qui fabrique l'exclusion.
Le 22 avril 2009, le conseil des Ministres va adopter la réforme sur la formation professionnelle, qui sans rien transformer de nouveau dans l'accompagnement des personnes, se soucie surtout de la gestion des financements des formations.
RSA - insertion et formation sont pourtant des éléments indispensables à intégrer à la réflexion sur l'emploi et la gestion des parcours professionnels.
Prenons exemple sur l'Europe, qui dans le cadre de la Stratégie de Lisbonne a organisé un encadrement renforcé de l'emploi : les Lignes directrices intégrées pour la croissance et l'emploi fixent des règles communes, dont la n° 19 est particulièrement significative au regard du RSA :
les États s'engagent à « assurer des marchés du travail qui favorisent l'insertion, renforcer l'attrait des emplois et rendre le travail financièrement attrayant pour les demandeurs d'emploi, y compris les personnes défavorisées et les personnes inactives, au moyen des mesures suivantes : appliquer des mesures actives et préventives du marché du travail, telles que l'identification précoce des besoins, l'aide à la recherche d'un emploi, l'orientation et la formation dans le cadre de plans d'action personnalisés, la mise à disposition des services sociaux nécessaires pour favoriser l'insertion des personnes les plus éloignées du marché du travail et contribuer à l'éradication de la pauvreté (…) ».
Pour ce faire, il s'agit de mettre en place un "PLAN D'ACTION PERSONNALISE" intégrant :
- l'accompagnement par un conseiller dédié.
- un diagnostic des besoins.
- une évalution des qualifications
- des services de formation.
En période de crise, ces plans d'action méritent d'être renforcés...!
Mais pas chez nous...
Pour conclure, demandons à notre ami Brice Hortefeux et ses équipes de revoir leur copie et d'enfin envisager la politique de l'emploi dans une perspective européenne.
Bref, stop au débat qui renforce l'idée d'une nation qui avance à deux vitesses et qui se concentre sur le pouvoir d'achat au lieu du pouvoir de construire des parcours...