La justice vénézuélienne accuse de corruption deux leaders de l’opposition, le maire de Maracaibo (droite) et le président du parti Podemos (gauche), lesquels crient au complot politique. Dépourvue de perspective électorale, face à un président Chávez qui a gagné quatorze consultations populaires sur quinze, l’opposition n’envisage de reprendre le pouvoir que par la force. Le maire de Caracas a encore une fois appelé l’armée à réaliser un coup d’État pour chasser Hugo Chávez.
Manuel Rosales, principal leader de l’opposition, candidat présidentiel défait lors du scrutin de décembre 2006 et actuel maire de la ville de Maracaibo, est dans la ligne de mire de la justice vénézuélienne. Celle-ci le soupçonne de corruption et d’enrichissement illicite lors de son mandat de gouverneur de l’État du Zulia entre 2002 et 2004. Confirmant les soupçons qui pèsent à son encontre, ce dernier, au lieu de se présenter à la justice et de prouver son innocence, a préféré prendre la fuite tout en accusant le président Hugo Chávez d’avoir ordonné son arrestation [1].
Manuel Rosales, maire de Maracaibo
Le procureur de la République Katuiska Plaza a souligné que Rosales s’est montré incapable de justifier la provenance des fonds qui ont substantiellement augmenté la valeur de son patrimoine personnel. Ce dernier, s’il est reconnu coupable, risque entre 3 et 10 ans de prison. Interrogé par l’agence de presse états-unienne Associated Press, l’avocat de Rosales Alvaro Castillo n’a pas souhaité donner plus de détails [2].
Rosales, dont le procès a été transféré à Caracas après qu’il se soit entretenu avec quatre juges de l’État du Zulia, est soupçonné, entre autres, d’avoir fait don à ses proches de plus de 300 véhicules appartenant à l’État, d’avoir ouvert des entreprises à Miami dont les actifs dépassent les 11 millions de dollars et d’avoir touché des pots-de-vin de la part de l’entreprise allemande Siemens pour la construction du métro de Maracaibo. Cette multinationale a reconnu avoir versé certaines sommes pour obtenir le contrat, sans citer de noms [3].
Omar Barboza, président du parti Un Nuevo Tiempo auquel appartient Rosales, a confirmé la fuite du maire de Maracaibo, tout en accusant le gouvernement bolivarien de vouloir éliminer un adversaire politique. Mais il a omis de préciser que la mise en examen de Rosales en 2009 n’est en réalité que la conséquence d’une enquête ouverte en septembre 2004, c’est-à-dire il y a près de cinq ans [4].
Cilia Flores, présidente de l’Assemblée nationale, a rejeté les accusations de Barboza : « Il a commis un certain nombre de délits qui ne sont pas politiques, ce sont des faits de corruption, des délits d’enrichissement illicite ». Elle a ajouté que Rosales, en plus de fuir ses responsabilités personnelles à l’égard de la justice vénézuélienne, n’assumait plus sa fonction de maire de la ville de Maracaibo [5].
De son côté, le ministre de l’Information Jesse Chacón a affirmé que les preuves à l’encontre de Rosales étaient suffisamment nombreuses pour qu’il soit présenté à la justice : « Il y a une série de faits contenus dans un dossier, des maisons, des propriétés et des centres commerciaux qui sont inscrits à son nom et à celui des membres de sa famille. A lui de se défendre ». Il a rejeté les tentatives de politisation d’une affaire de corruption : « La question est de savoir s’il existe ou non suffisamment d’indices pour ouvrir une enquête et c’est le cas pour Rosales [6] ».
Chacón a admis ne pas être surpris du comportement de l’opposition. Elle « s’est toujours comportée ainsi. On a pu le voir lors du coup d’État du 11 avril 2002, le 12, ils sont tous apparus dans la presse, ils avaient tous participé au coup d’État, mais le 14, personne n’a parlé, et il n’y a eu aucun coup d’État », a-t-il ajouté d’un ton sarcastique, en référence au refus du Tribunal suprême de l’époque contrôlé par l’opposition d’admettre la réalité du coup de force du putschiste Pedro Carmona Estanga [7].
En effet, Manuel Rosales avait activement participé au coup d’État d’avril 2002 contre le président Hugo Chávez. Il avait signé le décret qui avait dissout toutes les institutions de la nation. Il avait été ensuite acquitté par le Tribunal suprême lors d’un verdict qui a choqué l’ensemble de la société vénézuélienne. Le 3 avril 2009, la justice a condamné 3 commissaires et six policiers responsables des assassinats de manifestants en avril 2002. Ce furent les premières condamnations de responsables de crimes perpétrés lors du putsch [8].
Rosales doit se présenter au plus tard le 20 avril 2009 au tribunal pour répondre des 26 chefs d’accusations qui pèsent à son encontre. Dans le cas contraire, il sera considéré comme fugitif par la justice vénézuélienne [9]. Il a d’ores et déjà abandonné temporairement sa fonction de maire pour une durée de 90 jours [10]. Selon certaines informations, il se trouverait en Colombie [11].
La plainte déposée par les avocats de Rosales auprès de la Commission interaméricaine des droits de l’homme n’a pas été admise par cette instance, montrant ainsi son désaccord par rapport à la tentative de politiser une affaire relevant du délit commun [12].
Raúl Isaías Baduel en détention préventive
L’ancien ministre de la Défense Raúl Isaías Baduel, général à la retraite et farouche détracteur d’Hugo Chávez, a été arrêté le 1er avril 2009 par les services de renseignement militaires. Il est soupçonné de détournement de fonds des forces armées durant son mandat ministériel pour un montant de 14,5 millions de dollars. Le général Ernesto Cedeño, procureur général militaire, a signalé qu’il existait « des éléments de preuves suffisants » pour mettre en examen liberté Baduel [13].
- Général Raúl Isaías Baduel, président de Podemos
Tout comme Rosales, le général Baduel, au lieu de répondre aux accusations qui pèsent à son encontre, s’en est pris à Hugo Chávez, qu’il a accusé d’être le responsable de son incarcération [14]. En réalité, Baduel avait été cité à comparaître à cinq reprises pour être entendu et n’a répondu à aucune de ces convocations. Ce n’est que suite à ces refus réitérés qu’il a été arrêté, a souligné Cedeño [15].
De son côté, Chávez a catégoriquement rejeté les allégations de l’opposition [16]. Les accusations de Rosales et de Baduel à son encontre ne sont guère crédibles pour une raison bien simple. La justice vénézuélienne a également lancé un autre mandat d’arrêt à l’encontre de Carlos Giménez, un ancien gouverneur partisan du président, destitué en juin 2008 pour une affaire de corruption [17].
L’appel au coup d’État de l’opposition vénézuélienne
L’opposition vénézuélienne a opté pour la déstabilisation. Elle a lancé un appel à la « résistance démocratique » face aux réformes administratives, économiques et sociales du gouvernement bolivarien. En effet, l’Assemblée nationale a décidé de confier la gestion des ports, aéroports et autoroutes au gouvernement central afin de contrecarrer les plans sécessionnistes de certains gouverneurs [18].
Le maire de la capitale Caracas, Antonio Ledezma, a lancé un appel au coup d’État : « Je lance un appel aux Forces armées nationales pour qu’elles prennent en compte le concept de désobéissance ». Il a annoncé la création d’un « front national » contre d’Hugo Chávez [19]. Le leader bolivarien est un « grand cauchemar » pour les Vénézuéliens, a-t-il affirmé. Il n’a pas daigné expliquer pourquoi les électeurs ont choisi de voter en faveur de ce « grand cauchemar » quatorze fois sur quinze depuis 1998, date de la première élection de Chávez [20].
L’opposition vénézuélienne joue un jeu dangereux en refusant de reconnaître à la fois la volonté souveraine du peuple vénézuélien et l’autorité d’Hugo Chávez. Ce dernier est, sans nul doute, le président qui jouit de la légitimité démocratique la plus importante de l’histoire du Venezuela et de l’Amérique latine. En retombant dans les travers du passé et dans la tentation putschiste, l’opposition apparaît aux yeux du monde comme le principal obstacle à la démocratie.
[1] El Nuevo Herald, « Fiscalía ordena arresto de alcalde y líder opositor », 20 mars 2009 ; Fabiola Sanchez, « Acciones contra opositores elevan tensiones en Venezuela », 20 mars 2009.
[2] Fabiola Sanchez, « Venezuelan Prosecutor Calls for Arrest of Opposition Leader on Corruption Charge », 19 mars 2009.
[3] Casto Ocando, « La corrupción chavista no se investiga », 21 mars 2009 ; Fabiola Sanchez, « Ordenan trasladar a Caracas el juicio al líder opositor Manuel Rosales », 25 mars 2009.
[4] EFE, « Rosales en lugar ‘seguro’, pero el gobierno insiste en que huyó », 1er avril 2009.
[5] Agencia Bolivariana de Noticias, « CNE podría aplicar abandono de cargo a Manuel Rosales », 31 mars 2009.
[6] Agencia Bolivariana de Noticias, « Si Rosales está en Venezuela debe dar la cara ante la justicia », 31 mars 2009.
[7] Ibid.
[8] Agencia Bolivariana de Noticias, « Carlos Escarrá ratificó que Rosales no está en el país y evade justicia venezolana », 6 avril 2009 ; Fabiola Sanchez, « Condenan entre 17 y 30 años a policías por muertes de manifestantes », The Associated Press, 3 avril 2009.
[9] EFE, « Rosales deberá comparecer ante la justicia el 20 de abril », 1er avril 2009.
[10] The Associated Press, « Alcalde venezolano opositor se separa del cargo por proceso », 3 avril 2009.
[11] Agencia Bolivariana de Noticias, « Carlos Escarrá ratificó que Rosales no está en el país y evade justicia venezolana », op.cit.
[12] Agencia Bolivariana de Noticias, « Cancillería aclara que CIDH no admitió denuncia de Manuel Rosales », 3 avril 2009.
[13] Jorge Rueda, « Detienen a ex ministro de Defensa en Venezuela », The Associated Press, 2 avril 2009.
[14] The Associated Press, « Ex ministro responsabiliza a Chávez de su detención », 3 avril 2009.
[15] Agencia Bolivariana de Noticias, « Privación preventiva de libertad de Baduel garantiza la investigación », 3 avril 2009.
[16] Fabiola Sanchez, « Ex-Defense Minister Blames Chavez for Detention », The Associated Press, 3 avril 2009.
[17] EFE, « Ordenan arresto de ex gobernador afín a Chávez », 5 avril 2009.
[18] Agence France Presse, « Oposición venezolana declara resistencia democrática a gobierno de Chávez », 25 mars 2009.
[19] EFE, « Ledezma llama a militares a no respaldar a Chávez », 28 mars 2009.
[20] EFE, « El frente antichavista ‘no es una aventura’ », 31 mars 2009.
Salim Lamrani
Enseignant chargé de cours à l’Université Paris-Descartes et à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée et journaliste français, spécialiste des relations entre Cuba et les États-Unis. Auteur de Cuba face à l’empire : Propagande, guerre économique et terrorisme d’État, dernier ouvrage publié en français : Double Morale. Cuba, l’Union européenne et les droits de l’homme.