Juste pour un avis...

Hier soir, donc, comme je l'avais annoncé sur Facebook, j'ai reçu une femme et son mari pour l'heure du thé. Je n'ai pas pour habitude de recevoir pendant cet instant privilégié, moment où je peux à loisir déguster ce breuvage béni entre tous, qui infuse lentement afin que les arômes s'en dégagent pleinement ; mais l'instant était grave. Suffisamment important pour que, pour une fois, je me passe "des chiffres et des lettres"…

Cette femme, auteur qui jusqu'ici se voulait mais s'ignorait, m'avait déposé son manuscrit pour avis, la vielle au soir dans ma boîte aux lettres, sans que je

la voie. Juste

quelques petites nouvelles dans une grosse enveloppe, un peu beaucoup tirées se son expérience et de ses angoisses, ses rêves et ses peurs ; son univers intime aligné sur du papier mouliné par une mauvaise imprimante.

Seulement pour avoir un avis, m'avait-elle demandé par mail, presque en s'excusant déjà pour la gêne occasionnée, d'avoir osé capter un peu de mon précieux temps.

J'ai donc ouvert l'enveloppe, pour voir sa prose de plus près, palper le terrain, sentir les ambiances de cette inconnue qui me sollicitait. Au premier regard, l'usage abusif de l'imparfait et le retour à la ligne à chaque fin de phrase, signes d'amateurisme évident, me laissèrent présumer du pire.

J'avais promis de le regarder, je le ferai donc comme tous ceux que j'accepte de prendre, avec une fiche de lecture ; parce que celui qui vous témoigne de sa confiance le mérite, il a fait de son mieux et espère de vous ; on ne peut décevoir une telle attente.

Je me plonge donc sur ces petites nouvelles, pour les découvrir relativement bien écrites, sans fautes si ce n'est les quelques erreurs de jeunesse ci-dessus citées.

La femme a de l'humour, même beaucoup, sait manier le verbe et en jouer, bref je me fais plaisir en la lisant, regrettant parfois, que cela fût si court. Tout en lisant, je rédigeais ma fiche de lecture, en remarquant que je n'avais quasiment rien à dire. L'une des nouvelles, peut-être deux sont immédiatement publiables, les autres demandent un peu de travail de polissage, remplacer le côté auto bio-machin pour l'impersonnel, ajouter un peu de métaphore pour décorer, appuyer les ambiances et, ce sera parfait.

L'auteur s'étant par le passé frottée à la poésie, cela ne lui sera pas difficile.

Ma grande surprise a été de voir qu'elle n'osait pas se lâcher, exprimer vraiment ce qu'elle pense. Cette auteur n'ose pas oser, ne se donne pas l'autorisation d'écrire comme elle le conçoit et, c'est bien dommage. Ce que ces yeux disent, sa plume le retient par crainte du regard de sa moitié et premier lecteur.

Là je dis stop, lorsqu'un écrivain décrit une scène d'amour, il ne rêve pas forcément de tromper son conjoint, d'une autre personne, de réaliser un fantasme récurent…

Il n'y a nulle jalousie à avoir pour des fictions qui ne veulent pas rivaliser avec qui que ce soit.

Il y avait bon temps que je n'avais pas reçu un manuscrit correct, bien écrit et plaisant à lire. S'il est normal de puiser en soi pour écrire, il faut être génial pour l'autobiographie ; donc faites jouer votre rôle par un personnage qui vous ressemble, le lecteur se sentira mieux, moins voyeur et plus actif.

Maintenant, j'attends de voir les corrections qui auront été faites par cette agréable rencontre au potentiel certain.