Le blog marketing est un vrai défi pour les marques de beauté. Comment s'affranchir des modes de communication traditionnelle, bien ancrés dans les habitudes ? Les bloggeurs concurrencent-ils les sacro-saints journalistes beauté, faut-il leur parler différemment ? Faut-il accepter que les discours marketing soit transformés, remis en question, voire dénaturés ? Ce dialogue n'est pas inscrit dans les moeurs des marques, particulièrement dans l'univers du luxe, et pourtant il devient incontournable.
Après avoir lu les notes particulièrement inspirées du blog de Cedric [1], qui ont été un excellent point de départ, j'ai réuni ici quelques règles utiles à destination des marketeurs
1 - Tu te mettras au blog marketing
Selon une étude Ipsos réalisée en 2006, 44% des internautes s'informent sur un blog avant l'achat d'un produit. Le phénomène des blogs amène ainsi une redéfinition des pratiques marketing : après le marketing de masse puis le marketing one-to-one, on est dans le marketing consumer-to-consumer. C'est désormais le consommateur-bloggeur qui parle et influence directement d'autres consommateurs, son discours est moins controlé et donc a priori plus digne de confiance, avec un impact positif ou négatif sur les ventes des produits. Les marques doivent donc nécessairement être présente sur les blogs.
2 - Tu ne tricheras point
Les marques peuvent-elles confondre influence et manipulation ? Même s'il est plus fun de parler de guerrilla marketing ou d'undercover marketing, utiliser le blog pour faire de la promotion pure et dure à visage caché n'est pas en phase avec l'éthique de la blogosphère. Et le retour de baton peut être rude.
Si par "blog marketing" on parle de communiquer avec ou sur les blogs, certains pourraient entendre par là "créer un blog à la gloire de ces produits". C'est généralement une erreur. De très nombreux cas de flogs (fake blogs), aux Etats-Unis (Wal-Mart, Sony PS3), en France (Vichy), en Allemagne (CKin2U) ont démontré que les bloggeurs identifient sans difficulté qu'un blog qui fait l'apologie d'un produit est nécessairement louche, et une fois démasqué, cela peut faire très mal. Même principe qu'"acheter des bloggeurs" pour qu'ils s'extasient sur un produit. Dans tous ces cas limites, le risque de générer un buzz négatif est énorme, et il existe des moyens plus honnêtes d'obtenir un meilleur résultat !
3 - Tu engageras un dialogue long-terme avec les internautes
Même dans le cas d'un blog ouvertement créé par la marque pour un produit, et communiqué comme tel en toute honnêteté, le procédé est plus éthique mais le résultat n'est pas forcément efficace. Susciter l'intérêt de la blogosphère dans ce contexte n'est pas évident. Ce qui fait l'intérêt d'un blog, c'est généralement la création d'une relation long terme et personnelle qu'entretient le bloggeur et ses habitués. Un blog de marque éphémère, ou au ton trop policé, trop institutionnel, peut être assez dissuasif pour les internautes.
Les consommateurs se fient moins aux discours de marques et davantage à l'avis d'autres consommateurs sur le net. Mais faire une grosse initiative ponctuelle auprès de bloggeurs-stars n'est pas forcément le meilleur moyen d'être bien vu. Par exemple, j'ai déjà mis en garde les marques contre une présence éphèmère sur Second Life, dans le cadre d'un évènement de relation publique, qui risque d'être taxée d'opportuniste par les participants qui sont sur Second Life dans une optique long terme et préfèrent les marques qui s'investissent sur la durée pour bâtir ce monde virtuel. Dans le même esprit, la relation avec les bloggeurs doit s'établir sur le long terme avec la marque, plutôt que ponctuellement avec un seul produit.
4 - Tu ne confondras pas bloggeurs et journalistes
Le journaliste a pour métier, et pratiquement pour obligation, de transmettre les informations, et dans la plupart du cas, avec une relative neutralité. Le bloggeur, aussi "pro" soit-il, choisit librement ses sujets et a toutes les bonnes raisons de donner son opinion, fut-elle très négative. Il faut donc savoir approcher le bloggeur avec une information qui va l'intéresser, si le bloggeur y trouve un bénéfice. De même, le bloggeur ne dispose pas toujours de l'équipement et des infrastructures d'un journaliste. Parfois, un détail aussi insignifiant qu'oublier de fournir au bloggeur une photo du produit conduit à avoir des images hideuses ou pas d'image du tout sur le blog, et dans le cas d'un produit dont l'intérêt est d'abord très visuel, cela peut même dissuader le bloggeur d'en parler.
5 - Tu attacheras autant d'importance à la forme qu'au fond
Si le contenant a évidemment une importance décisive pour emporter l'adhésion des consommateurs, le buzz, lui, n'est pas uniquement généré sur la base d'un bon produit. Les messages qui profitent le mieux de la viralité d'Internet sont ceux qui ont su prendre une forme étonnante, originale, suffisamment différenciante pour mériter d'être diffusée. Il est donc essentiel d'habiller le message pour qu'il vaille le coup d'être montré sur un blog, exposé dans une notes, transmis d'un internaute à l'autre. Ce qui suppose évidemment une parfaite connaissance des ressorts de la blogosphère. Pensez par exemple à la fameuse video virale Dove, idéalement pensée, en terme de format et d'impact, pour le web.
6 - Tu accepteras de perdre le contrôle
Générer du buzz, c'est laisser le message évoluer et se propager par lui-même. Son contenu, sa teneur, son esthétique peuvent être ainsi modifiés, transformés, et parfois ternis par les relais que sont les bloggeurs et les internautes en général. Ce que la marque peut perdre en perfection, elle le gagne en authenticité et en crédibilité. Pour une marque de luxe, il peut évidemment être difficile à digérer que la belle communication de son grand parfum institutionnel devienne un texte bourré de faute d'orthographe ou en langage SMS (" N°5 c trop cool lol ;-) "), mais si on a ce type de réserve, difficile de profiter à plein de la viralité du buzz. Cela n'exclut pas pour la marque de surveiller le buzz, et éventuellement réagir sur les blogs pour recadrer en douceur, clarifier des incompréhensions etc...
7 - Tu te prépareras à un éventuel buzz négatif
Qui dit buzz, peut vouloir dire buzz négatif, et cette donnée doit également être intégrée. Là encore, il faut être attentif et être prêt à réagir pour offrir réparation. Sur son blog, Olivier décrit ainsi comment, après avoir critiqué les services de la chaine de restaurant Sticky Fingers, s'est vu offrir un vrai dédommagement qui démontrait combien ils tenaient compte des avis de leurs clients. Il est donc possible de contrer un buzz négatif et même de le retourner en sa faveur en se montrant attentionné, compréhensif, réactif, en démontrant son intérêt pour les commentaires donnés. Si un internaute remet en cause les promesses de la marque, pourquoi ne pas faire intervenir, de manière officielle, un expert de la société qui explicite les tests conduits sur le produit et les résultats obtenus ?
8 - Tu ne te glorifieras pas d'un peu de "meta-buzz"
C'est mon obsession, que je rabâche de messages en messages (par exemple ici et ici) mais cela me semble primordial. Trop d'actions de blog marketing sont visiblement axées sur la création de buzz auprès des fans de buzz, des bloggeurs spécialistes du buzz, du marketing on-line et des blogs. L'initiative est ainsi relayée dans le circuit fermé des amateurs de buzz qui se lisent les uns les autres, sans nécessairement toucher au final la cible véritable du produit. Une réussite quantitative (beaucoup de blogs ont parlé du buzz) pour une efficacité qualitative moindre (mais peu de blogs dont les lecteurs sont réellement mes clients).
Pour des produits de beauté, il est donc évidemment essentiel que les bloggeurs impliqués en priorité (mais pas forcément exclusivement, bien sûr) soient les bloggeurs de l'univers beauté, ceux dont les lecteurs (et lectrices) viennent glaner sur les blogs des infos beauté. Mieux cibler, c'est mieux performer.
Lire également ma précédente note sur le blog marketing
[1] A lire, les notes suivantes sur le blog de Cedric :
- 3 règles à respecter dans l'utilisation des blogs
- 5 nouvelles règles pour les marques sur Internet
- Marques, n'ayez pas peur du buzz