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Le Canadien, légende à vendre

Publié le 14 avril 2009 par Philostrate
Le Canadien, légende à vendre    Le monde du sport business est décidément impitoyable. L'année même de son centenaire, le plus grand club de hockey sur glace au monde est à vendre. Le Canadien de Montréal, recordman incontesté de victoires en coupe Stanley (24), le Saint Graal de la rondelle, se retrouve sur le marché, comme un vulgaire paquet de linge sale. Joe Malone et Maurice Richard doivent s'en retourner d'horreur dans leur tombe glacée…
   Il faut dire que la légende tricolore a déjà pris pas mal de coups de canifs durant ces dernières décennies. Ne revenons pas à l'époque où seuls les "Canadiens français" se devaient de porter la "Sainte flanelle", surnom emprunt de dévotion donné au maillot bleu, blanc, rouge de Montréal. Ce serait remonter trop loin dans les brumes du temps. Tenons-nous en à 1996, année funeste où la franchise la plus populaire du Québec quittait le Forum, sa patinoire historique, pour le "Centre Molson", devenu depuis "Centre Bell", changement de sponsor oblige.
   Les businessmen voyaient alors en cette nouvelle "arena", comme on dit là-bas, l'entrée avant l'heure du Canadien dans le XXIe siècle. Les nostalgiques juraient que les fantômes du Forum,  l'impalpable présence des "Glorieux" passés censée sublimer l'équipe dans les moments cruciaux, ne suivraient pas le mouvement. Ils avaient raison. Ce n'est peut-être que l'effet du hasard, mais dans sa nouvelle patinoire, où le public a tout sous la main pour se cholestéroliser les artères à l'américaine, le Canadien ne s'est plus jamais approché de la coupe Stanley, remportée pour la dernière fois de son histoire en 1993…
   Vint ensuite en 2001 l'épisode George Gillett, du nom de l'actuel propriétaire du club. Homme d'affaires américain, ce milliardaire est plus connu en Europe pour avoir acheté en 2007 le club de football de Liverpool, au grand dam des Scousers purs et durs, qui ont été jusqu'à brûler son effigie sur les bords de la Mersey. La famille Gilett a fait fortune dans la viande et ses dérivés. Le petit George s'est fait les dents en investissant dans le sport, secteur juteux s'il en est. Qu'il songe aujourd'hui à vendre, à soixante-dix ans bien sonnés, la légende du hockey comme un morceau de barbaque relève donc de l'atavisme familial. Prix estimé pour un retour sur investissement raisonnable : 400 millions de dollars canadiens. Une paille, mais tout de même une bonne affaire à en croire les experts. Certains acheteurs québecois potentiels, craignants de voir ce pilier de l'identité provinciale mis à l'encan, se sont déjà manifestés. Parmi eux, René Angelil, époux méritant de Céline Dion. Et là évidemment, on craint le pire. Vous imaginez le tableau ? René proprio, madame se fera un point d'honneur à venir sur la glace brailler les hymnes avant chaque rencontre de championnat, habitude pénible mais typiquement nord-américaine. À moins de mettre des boules Quies pour échapper aux envolées de l'hurlante engeance, les fantômes du Forum ne sont pas près de revenir. À ce compte-là, même qualifié cette saison pour le premier tour des séries finales face à Boston, le Canadien risque de glisser longtemps encore à la poursuite de son passé doré…

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