Par Bernard Vassor
Ce que l'on sait peu, c'est que Paul Gachet fut pendant près de trente ans membre de la "Société des Éclectiques" composée d'aquafortistes et d'historiens de Paris. Ils se réunissaient chaque mois. On voit sur l'eau-forte ci-dessus, la publicité du restaurant Blot qui accueillit longtemps les "dîners mensuels". Chaque participant écrivait un article, et publiait une gravure pour illuster la notice historique d'un de ses compagnons. Je donnerai dans un prochain article une eau-forte du "docteur Safran" surnommé ainsi en raison de la couleur de ses cheveux. En attendant, voici l'article teinté d'anticléricalisme qu'il écrivit sur la rue de l'École de Médecine: École de Médecine et la faculté : (Quartier latin) ...... Vers l'an 774, Charlemagne, de retour de Rome jette les premiers plan d'une sorte d'Université embryonnaire, en rendant publique l'étude des arts libéraux, jusque là monopole exclusif des collèges de moines des couvents. Cette sorte d'enseignement libre dont les professeurs, souvent étrangers, étaient nomades et dissertaient au grand air, depuis les hauteurs de la montagne Sainte-Geneviève, jusqu'aux rives de la bièvre, avaient fort à faire avec les religieux qui les traquaient de tous côtés, et au besoin les brûlaient comme de simples hérétiques ! Cette impulsion vers les sciences fut entrayée par les guerres et la théologie, qui naturellement y sentait un ennemi. Ce que l'on appelait les arts libéraux embrassait le trivium, qui comprenait la grammaire, la dialectique, la rhétorique, et le quatrium, l'arithmétique, l'astronomie, la géométrie et la musique. La résultante de tout cela était la philosophie, plus proprement appelée théologie; tout ce qui passait sous silence les dogmes de l'église, étant taxé d'hérésie et de magie, était impitoyablement livré la juridiction des évêques. Abelard paya cher son imprudente et scientifique éloquence entachée de scepticisme à l'endroit des mystères de l'église. "Il sentit le fagot" comme on disait alors (...) Abélard est véritablement l'ancêtre des étudiants ou escholiers et le véritable initiateur du pays latin. Philippe-Auguste en fondant l'Université, c"est à dire en donnant un même corps à l'ensemble des connaissances humaines, avait, de plus, fondé une nouvelle ville sur la rive gauche de la Seine. Cette ville était entourée de murailles depuis le Petit-Port, contournant la Montagne Sainte-Geneviève, partant de la Tournelle et comprenant tous les terrains qui constituent la halle aux Vins, domaine d'escholiers, planté d'arbres et arrosés par la Bièvre. (...) Les livres d'Hippocrate étaient sous scellés dans les Abbayes, tout juste prononçait-on le nom d'Aristote. Les abords de Saint-Séverin, de Saint-Germain-des-Prés, de Saint-Germain-l'Auxerrois étaient un véritable cour des miracles. (...) Les premiers chirugiens disséquaient les cadavres au charnier des Innocents et à la butte Montfaucon. L'école paroissiale Saint-Côme et Saint-Damien dépendance de l'église de ce nom, occupait avec l'église-charnier-cimetière-Abbaye, un vaste emplacement par la porte Saint-Michel, la rue de Vaugirard, la rue de la Harpe, la rue Sainte-Hyacinthe, la rue d'Enfer, la rue Monsieur-le-Prince, la rue de l'observance avec le couvent des Cordeliers, la rue du Paon, la rue du Jardinet, la rue du Battoir et la rue Mignon. Le premier jeudi de chaque mois, dans un petit bâtiment construit sur l'emplacement du charnier, plusieurs chirurgiens visitaient et pansaient les malades qui se présentaient. En 1352, l'enseignement de la médecine est tout à fait constituée sous la désignation suivante : Faculté de Médecine de l'Université de Paris (...) "Contre les ignares, hommes et femmes de la ville ou de la campagne, apothicaires ou herboristes prescrivant des remèdes ou des potions et administrant aux Parisiens de la ville et des faubourgs prescrivant des lavements trop laxatif (Clysteria multum laxatina)." Parmi les fondations anciennes qui abritaient l'enseignement dans des semblants d'écoles, nous devons mentionner : 1° Le collège de Bourgogne ou des Cordeliers, sur l'emplacement consacré en 1329, sous la dénomination de Maison des Écoliers de Madame Jeanne de Bourgogne, reine de France, qui primitivement devait être construit sur l'emplacement de son ancien hôtel de Nesle (1331) Ce collège, en face des Cordeliers fut réuni à l'Université de Paris en 1766. 2° L'École paroissiale Saint-Côme et Saint-Damien*, déja nommée. 3° Dans le faubourg Saint-Jacques, la rue du Fouarre, des leçons orales avaient lieu sur de bottes de foin. Les examans de bâchelier et de docteur en médecine se passaient dans un cloître rue Saint-Benoît, à Notre-Dame, ou à Saint-Julien-le-Pauvre. Rue de la Bûcherie 22, on trouve encore des vestiges de ce qui fut le premier amphithéâtre de Médecine fondé par Guy Patin. L'acquisition de cette maison, appartenant aux Chartreux fut faite en1472, et dès 1505 on y tint école. Il y avait un jardin contenant les plantes médicinales qui servaient au cours. La rue de l'École de Médecine, appelée à cette époque rue des Cordeliers, a successivement pris le nom de Marat, qui y a habité à côté de la tourelle qui faisait l'angle de la rue Larrey, en face de la fontaine des Cordeliers. Tout cela n'existe plus. En 1793, la rue Marat prit le nom de rue de l' École de Santé et finalement, de nos jours celui qu'elle porte maintenant. Dans la rue de l'École de Médecine ou des Cordeliers était située l'église Saint-Côme et Saint-Damien, dont il a été question plus haut, à propos de la confrérie des chirurgiens. Le collège de Daimville, fondé en 1380 et réuni à l'Université en 1762, était situé rue des Cordeliers. La porte Saint-Germain, porte des Frères-Mineurs, porte des Cadèles, qui faisait partie de l'enceinte de Philippe-Auguste, occupait l'emplacement de la fontaine de la rue Larrey. La plus ancienne, sinon la première loge de francs-maçons fut établie dans le prolongement de la rue des Cordeliers, appelée alors rue des Boucheries, par lord Dervent-Waters, en 1721***. Le cordonnier Simon**, géolier de Louis XVII, occupait, en 1792 la maison du 38 de la rue des Cordeliers." Paul Gachet. ...... La Nomenclature des rues de Paris, bien incomplète par rapport à ce texte, ajoute cependant qu'en 1300, d'après Guillot, c'était la rue des Cordèles. Le Dictionnaire Historique des frères Lazare, précise que c'est au cours de la séance du 25 juillet 1793, qu'une députation du Théâtre-Français, demandât que la rue soit appelée du nom de Marat. ............ *Fondées en 1255, selon Sauval **Simon fut guillotiné après la chûte de Robespierre le 28 juillet 1794. *** Chez un traiteur nommé Hure !!! Rue de l'École de Médecine et des Boucheries vers 1860.