Que ferais-je, moi, si mon père à quatre-vingt-quatre ans m'annonçait qu'il va se remarier avec une pulpeuse divorcée de trente-six ans? Je serais probablement aussi attérée (et curieuse) que la narratrice. C'est donc le prétexte de l'histoire: l'annonce par Nikolaï qu'il va se remarier (2 ans seulement après la mort de leur mère, vous vous rendez compte! Et à quatre-vingt-quatre ans!!) avec une femme qui ne parle même pas correctement l'anglais et qui a cinquante ans de moins!! N'est-ce pas clair que ce n'est qu'un mariage arrangé pour obtenir la citoyenneté anglaise? (Et probablement dépouiller le vieil homme de sa maigre pension!) Mais que faire quand le vieil homme en question est complètement aveuglé par l'amour (ou l'opulente poitrine) de cette Valentina? Comment lui faire entendre raison alors qu'il s'est convaincu lui-même du bien-fondé de son acte: «Il faut que tu comprennes, Nadezhda, moi seul peux la sauver!». Il faut mettre Grande Soeur sur le coup pour l'aider...
J'imagine très bien un film avec ce roman. Les dialogues (tout comme les personnages) sont savoureux et bien menés. Même si j'ai trouvé un peu barbant le récit de Nikolaï sur les tracteurs, je suis consciente que ça faisait partie de la truculence du personnage et d'un élément pertinent pour nous aider à cerner son passé à lui dans la grande Histoire de l'Ukraine. (N'empêche, c'était barbant.) Et puis, les échanges entre les soeurs sont un peu longuets par moment, ça tourne en rond, ça piétine, on attend, on reste sur notre faim aussi (un peu). On s'aperçoit qu'il y a une gravité latente, elle nous prend un peu par surprise, justement, par les échanges venimeux des soeurs au sujet de l'héritage de leur mère, de leur connaissance du passé de leurs parents qui diffèrent selon leur perspective. Mais ça donne heureusement une profondeur au roman qui rachète certains passages plus plats du roman. Ce n'est pas un coup de coeur, mais une très bonne lecture, oui. 4/5