La romancière Maeve Haran a pris pour sujet le poète érotique John Donne, thème et enjeu de son prochain livre. Et la voilà en proie au cauchemar de l'écrivain : le doute quant à la rédaction des passages soumis à une tension sexuelle forte. Ses personnages sont sur le point de conclure... mais la feuille reste blanche.
Pourquoi le sexe est-il si difficile à mettre en mots ? Car désormais, du blocage, Maeve est passée à la paralysie et tout un apprentissage nouveau est à faire dans l'écriture. Mais la première leçon est pour elle extrêmement difficile : « Le fait d'être érotiquement convaincant est horriblement complexe. » Et dans un tel contexte, on comprend son désarroi.
Parler de sexe, décrire une relation sexuelle, parvenir à mettre en mot ce qui relève parfois de la pure bestialité - pardon je m'égare - n'est en effet pas simple. La littérature française regorge d'exemples, mais comment suivre le sien ? Réalisme ou sous-entendu ? Évocation ou description médicale ? L'anatomie des uns comme des autres n'a pas réellement de sensualité sans une alchimie verbale, et là encore, les écueils sont nombreux...
« Alors qu'est-ce qu'un pauvre romancier doit faire ? Une partie du défi est linguistique. Doit-on appeler un chat un chat, ou risquer le ridicule avec une métaphore », se demande Maeve ? Et même dans ce dernier cas, quels référents prendre sans plonger dans le grotesque ? L'humour reste la voie royale, mais sait-il rendre efficacement la tendresse et l'osmose ?
D'autant que ses personnages ont tout perdu par amour : jetés dans l'ignominie, éconduits socialement, repoussés par leur famille... Bref, rien de très glamour, mais quelque chose de fusionnel et de puissant. Et c'est finalement en écoutant un titre de The Killers, Bones, que la tension s'est défaite. « Je n'ai aucune idée de si mon texte est érotique. Le mieux qu'un écrivain puisse faire, c'est de créer une émotion, un moment intense et chargé d'espoir. »
Le temps dira si elle a eu raison...