Ce soir, j’ai mal à la tête.
Ce matin, je me suis levée à midi.
Avec juste l’impression d’avoir mes deux yeux dans une seule orbite.
Un café, puis deux avant 13h.
Les enfants qui tournent comme des avions dans le salon avec en fond sonore le refrain de la faim.
Copilote se lève enfin.
Le riz pilaf était à chier, je savais que je l’avais raté hier, je vois pas quel miracle aurait fait qu’il soit délicieux ce midi.
« Ce soir, ça, tu le mixes et tu le colles aux chats, seront contents.
-Et peut-être Agrippine nous enfumera moins. »
Ténérife m’a collé au cul tout l’après-midi.
Les petites voitures ont tourné en rond pendant 53 tours, y en a qui ont trouvé ça débile et se sont explosées contre les murs, pour le fun.
Pendant que je peaufinais ma migraine, l’Ovalie œuvrait pour la paix des nations, à coups de crampons.
Les enfants, dont certains ne sont pas à moi, se sont amusés à retourner les chambres, y compris la mienne, avant de vider les lieux sur les coups de 18h,
invités par une gentille gueulante paternelle.
Je l’ai pris pour moi.
Je me suis levée.
J’ai mis les yaourts au frais.
J’ai farci 6 tomates avec le riz mixé et monté le reste en gratin.
Mon trio a eu l’instinct de comprendre que c’était pas ma journée, ni celle d’hier et s’est pris par les mains, a pris son bain à trois, sans que ça devienne
un centre de thalassothérapie dans toute la maison, a fait ses devoirs en commun, mis la table et appelé papa, retranché dans son bureau à coder.
Personne n’a aimé mon gratin de riz, malgré la pub créative que j’en avais faite.
J’appellerai mon éditeur demain, il sait comment vendre mes productions.
Les dents se sont lavées toutes seules comme des grandes et les couettes se sont rabattues, après les dernières consignes.
« Maman, tu pourras m’imprimer mon compte-rendu sur mon voyage en Allemagne ?
-Et moi, faudrait que tu appelles le chauffeur de bus ou le collège pour savoir s’ils ont bien pensé à mettre mon sac de côté.
-Tu penseras à mettre mon carnet de mots difficiles dans mon cartable ?
- J’ai une chemise mettable pour demain ? Non, je rigole, demain, je fous le polo de rugby. Sinon, j’y vais pas. »
J’ai avalé mon café et me suis étranglée avec un cachet de paracétamol plus gros que ma main.
J’ai pris ma carte pour commander les work-books d’allemand pour Jérémy et Nicolas, puis celui d’anglais pour ma nièce.
Deux éditions dispo et le book d’anglais épuisé.
J’ai appelé l’enseignante en tremblant.
« Couverture verte pour l’un et blanche pour l’autre. »
Laissé mes coordonnées bancaire sur deux sites Web.
J’ai branché l’imprimante.
« 1 document en attente. »
Une heure j’ai attendu, j’ai imploré cette putain d’attente de bien vouloir cesser.
À « Imprimante prostituée des rues mal famées », elle s’est ébranlée et a craché 8 pages en dégradé de gris.
J’ai fouillé partout pour trouver la moitié d’une cartouche séchée.
J’ai imprimé une belle page de garde, numéroté et estampillé chaque page
J’ai enfin trouvé une pochette cartonnée.
J’ai donné un grand coup de latte à l’imprimante, qui s’est éteinte. Calmée pour l’hiver.
J’ai compris que tant que j’aurai mes reugles, j’aurai un compteur à gaz à la place de la tête, j’ai mal jusque dans les mandibules maintenant.
J’ai les jambes en plomb.
On m’a oubliée pour les vendanges, Noël va être d’un comique…
Le bain est froid.
Le lave-vaisselle est plein de sale.
La corbeille à linge dégueule de fringues dégueulasses.
Le courrier est en bordel dans le tiroir, j’ai tout broyé pour retrouver mon numéro de client mobile.
J’ai tenté de recharger le portable de Jérémy.
J’ai composé 45 services clients différents.
Le numéro de son portable n’existe pas.
Je pense que depuis Noël dernier, les 6 mois de validité de sa carte SIM sont dépassés.
Au passage, je constate que la facture a triplé d’un mois sur l’autre.
Je demande à Copilote.
« Cet enculé de vendeur m’a mis 50 options gratos en me précisant qu’au bout d’un mois, elles le seraient beaucoup moins, j’ai oublié de les
virer.
-L’option tv et les 300 SMS, tu t’en es servi au moins ?
-Tu m’a déjà vu envoyer un SMS ? »
Je prêterai mon portable à Jérémy demain, j’espère qu’il le perdra pas.
J’ai appelé le chauffeur, il a pas vu le sac. Mais il a pas cherché.
Et s’il est dans le bus, je ferais mieux de me lever en même temps qu’eux, à 6 heures, descendre à l’arrêt, attendre le chauffeur, récupérer le sac pour
éviter que Nicolas se le trimballe toute la journée, vu que le collège ne lui a toujours pas attribué son casier, et ne le perde une nouvelle fois.
Et s’il est pas dans le bus, je devrais appeler le collège pour signaler la perte et aussi par la même occasion, que si le casier avait été mis à sa
disposition le jour de la rentrée, le sac, il serait dedans, avec le survêt. Mais je déteste le téléphone. Surtout quand j’ai mal à la tête. Surtout quand mon ventre fait du macramé. Surtout pour
apprendre de mauvaises nouvelles. Surtout pour payer des factures à trouer le cul.
Le sac de Nicolas.
Le portable de Jérémy.
La facture.
Ma migraine.
Mes ovaires en mutinerie.
Mes jambes en plomb.
L’imprimante.
Le ménage.
Le chômage.
Dimanche.
Moi aussi, je peux me la jouer Caliméro Style si je veux.
Mais ça me colle encore plus bobo à la tête.
Je ne me suis jamais complue dans le malheur.