De l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne

Publié le 13 avril 2009 par Lozsoc

Mustafa Kemal Atatürk et Charles de Gaulle

« J’aimerais mieux aller vivre à Constantinople chez le Grand Turc plutôt que de voir six cents médiocres faire et défaire la France au nom de quelques millions de médiocres qui les ont élus. »

Jean Anouilh

__________________________

D’après un sondage CSA/le Parisien/Aujourd’hui en France qui paraîtra mardi 14 avril, 50% des Français se déclarent opposés à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, 35% y sont favorables, et 15% ne se prononcent pas.

Les statistiques montrent que ce sont majoritairement les sympathisants du Modem – pourtant traditionnellement europhiles et ouverts sur le monde – qui se déclarent le plus hostiles à cette entrée (71%), loin devant les sympathisants de droite (67%) et de gauche (41%). Parmi les personnes interrogées favorables à cette entrée, les sympathisants de gauche sont 49%, les sympathisants du Modem 21% et  les sympathisants de la droite 19%.

A peine ces chiffres sont-ils rendus publics que déjà on en tire des conclusions divergentes. Ainsi pour l’Agence France Presse (AFP) :

« Ces chiffres témoignent d’une augmentation du nombre de Français favorables à l’entrée de la Turquie dans l’UE: en effet, en juin 2005, un précédent sondage sur la même question donnait 66% d’opposants, et 28% de favorables, pour 6% sans opinion. »

En revanche, dans son entrefilet du 13 avril (mis à jour à 21h26), le journal Le Parisien ne dit mot de cette augmentation relevée par l’AFP, préférant réaffirmer que les Français restent majoritairement hostiles à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne (mais quid des 15% de sans opinion ?). Ce quotidien ne craint pas non plus d’affirmer que ce sondage « [donne] raison » (sic) à Nicolas Sarkozy (horresco referens).

On aurait aimé que Le Parisien explique précisément comment il établit le lien entre les résultats obtenus et le fait que les personnes interrogées aient eu l’intention de donner un blanc-seing à l’action du Président de la République sur ce dossier complexe, qui dure depuis 46 ans (la demande d’adhésion de la Turquie a été introduite, pour la première fois, en 1963). On doute fortement que les personnes interrogées connaissent en détail l’opinion de Sarkozy sur le sujet et qu’elles aient eu matériellement le temps de peser le pour et le contre dans leurs réponses.

De plus, si l’on veut bien considérer que les Français, en septembre dernier, avaient souhaité à 80% l’élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis d’Amérique, on ne manquera pas de rappeler que ce dernier a récemment déclaré qu’il était favorable à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Faut-il en déduire alors que les Français sont illogiques ? Non. Ca veut tout simplement dire qu’ils ne connaissent pas davantage le programme du président américain.

Donc ?… Donc il est impossible d’établir le lien que Le Parisien s’est empressé de faire entre les résultats récoltés et le soutien présumé des personnes interrogées à la politique européenne de Nicolas Sarkozy vis-à-vis de la Turquie.

Pour une réflexion autrement plus intéressante que les poncifs du Parisien, on se reportera avec profit à l’excellente synthèse publiée, il y a quelques années déjà, par l’association Pollens de l’Ecole Normale Supérieure en réponse à la délicate question « Pour ou contre l’adhésion de la Turquie à l’UE ? ».