Dans Le Monde daté du 12 avril 2009, on pouvait lire un entretien très intéressant de Manuel Valls.
Il m’a semblé que Valls était assez lucide, peu langue de bois, bref qu’il se risquait, une fois n’est pas coutume, à un exercice qu’on ne voit plus beaucoup chez les hommes (et femmes) politiques ces derniers temps.
Ainsi, quelques réflexions intéressantes sur le PS et la tentation de l’extrême-gauche : "La plupart des socialistes sont aujourd'hui décomplexés à l'égard du marxisme. Mais le PS compte encore des responsables et des militants, sans doute sincères, qui restent hantés par les Spectres de Marx : conception binaire de la société, vision violente de l'Histoire... D'où ce goût commun pour les grandes fresques avec l'extrême gauche : la crise économique devrait dégénérer nécessairement en crise sociale avant d'aboutir à la crise politique...
Pour ma part, je me suis toujours méfié du lyrisme politique et des visions totalisantes. L'Histoire nous apprend que la crise engendre plutôt le repli sur soi et le populisme."
De même, une analyse qui me paraît plutôt juste de l’antisarkozysme comme fond de commerce et réflexe bien pratique quand on n’a pas (peu) d’idées : "[La gauche] a provisoirement perdu une partie de son hégémonie culturelle faute d'avoir bien appréhendé les grands bouleversements du monde depuis trente ans : effondrement du bloc soviétique, globalisation économique, crise de l'Etat-providence...
L'antisarkozysme forcené voudrait masquer ce déficit idéologique, mais il provoque en réalité un double effet pervers. Il grandit le personnage en le mettant au centre de chaque débat : Sarkozy devient celui qui ose tout, conformément à ce qu'il recherche. Et, surtout, il affaiblit la crédibilité de la gauche en l'obligeant à l'outrance : elle devient celle qui craint tout."
Un exemple pertinent donné par Manuel Valls pour illustrer le manque de responsabilité du PS : "Sur la réforme des collectivités locales, par exemple, la gauche n'est pas obligée de tomber dans tous les pièges qu'on lui tend. En rejetant par principe les propositions d’Edouard Balladur, le PS tourne le dos à sa vocation décentralisatrice et donne le sentiment de vouloir protéger une organisation territoriale devenue illisible."
Puis, avant même qu’on lui pose la question, Valls évoque François Bayrou à propos des classes moyennes : "[Il] a eu raison de pointer leur désarroi : poids de la fiscalité, crainte de l'avenir, crise de l'école. Il faudra donc une "révolution" fiscale qui tienne compte de la pression qu'elles subissent."
Lorsqu’on lui demande si François Bayrou est un concurrent sérieux pour 2012, ici encore Valls ne se la joue pas fanfaron ou méprisant, il prend acte en répondant : "Oui, si le PS ne parvient pas à se réformer. A cet égard, l'organisation de "primaires" ouvertes aux électeurs de gauche pour désigner notre candidat en 2012 est peut-être la dernière chance pour le sauver et l'aider à renouer le lien avec les Français."
Manuel Valls, sur ce coup-là, sera probablement très mal reçu par les caciques de son parti. Et pourtant, il y a dans son analyse beaucoup de choses justes, nuancées, pondérées, qui à coup sûr rompent avec l’anathème et la critiques faciles auquel son camp nous a depuis trop longtemps habitués.
Je me dis que si nos politiques pouvaient plus souvent parler ainsi, peut-être qu’on pourrait avancer un petit peu…