De Charybde en Scylla
Gérard Dalongeville, le maire PS de Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) ainsi que son ancien adjoint aux finances et un homme d’affaires local ont été mis en examen le 9 avril dernier pour plusieurs chefs d’inculpation, à savoir : détournement de fonds publics par personne chargée d’une fonction publique, complicité et recel, faux en écriture et usage et recel de favoritisme. L’affaire semble sérieuse même si, bien entendu, une mise en examen n’est pas l’établissement d’une culpabilité.
Pourtant, ce qui est en train de se passer dans cette commune du Pas-de-Calais ne laisse pas de surprendre tant la personnalité de Monsieur Dalongeville était déjà sujette à caution durant la campagne municipale. La gestion dispendieuse du Maire avait été en effet épinglée par la Cour régionale des comptes et certains soupçons de corruption planaient sur sa tête.
On peut se demander pour quelle raison le premier parti de gauche est allé faire cause commune avec Dalongeville. En effet, les rapports entre Dalongeville et la rue de Solferino n’ont jamais été simples. Exclu en 2001 du PS pour avoir ravi la mairie au socialiste Pierre Darchicourt, Dalongeville a été ensuite réintégré en 2008 après sa réélection.
Officiellement, le ralliement du PS à Gérard Dallongeville, sous la houlette de l’inénarrable Marie-Noëlle Lienemann, avait pour objectif d’éviter une dispersion des forces de gauche et notamment une triangulaire qui aurait pu aboutir à l’élection de Marine Le Pen et de Steeve Briois (FN). En 2007, l’ancienne ministre socialiste du logement déclarait :
« Il n’y a aucune raison qu’on ne parte pas avec lui, il est de gauche. Et nous voulons rassembler toute la gauche. Question de ligne politique, et d’efficacité ».
Un an après, on mesure l’efficacité de la ligne politique de Lienemann qui, « courageusement », s’empresse maintenant de casser du sucre sur son ancien camarade, comme si elle avait découvert subitement l’ampleur des problèmes.
Voici d’ailleurs un extrait de son communiqué en date du 11 avril dernier :
« Marie-Noëlle Lienemann est consternée par l’ampleur des faits qui sont reprochés au maire d’Hénin-Beaumont par le procureur de la République.
Elle rappelle qu’elle avait refusé de voter le budget et le compte administratif du maire, en raison des doutes sur la situation financière tout récemment confirmés par un rapport de la Chambre Régionale des Comptes. Cependant, à aucun moment elle n’a pu imaginer que des faits aussi graves et délictueux – s’ils sont confirmés par un jugement- aient pu avoir lieu. Elle aurait naturellement saisi les tribunaux, si elle avait observé la moindre dérive de cette nature. »
Quelle consternation en effet !
Casser du sucre sur les perdants ou sur les camarades en difficultés, c’est chez Lienemann une habitude. Quand Jospin avait perdu au premier tour de la présidentielle le 21 avril 2002, Lienemann l’avait flingué et commis un bouquin (Ma part d’inventaire, éditions Ramsay). Elle avait agi exactement avec le même tact et la même distinction après la défaite de Ségolène Royal le 6 mai 2007 (Au revoir Royal, entretiens avec Philippe Cohen, éditions Perrin). Gageons que les déboires de Dalongeville (lesquels sont d’une nature autrement plus grave) l’incitent à reprendre illico presto sa plume vengeresse et hypocrite.
Le résultat de cette stratégie est donc navrant sur toute la ligne. Le PS est allé de Charybde en Scylla. Pour éviter le FN, ait des chances de remporter la Mairie, il a préféré s’allier avec un personnage controversé plutôt que de présenter sa propre liste. Le remède s’est avéré pire que la maladie puisque le PS risque aujourd’hui d’offrir sur un plateau la Mairie de Henin-Beaumont à l’extrême droite.
On se prend alors à songer à l’apostrophe de Winston Churchill à Neville Chamberlain après son retour de Munich en 1938 :
« Vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur. Vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre. »
Cette citation devrait certainement être méditée par Marie-Noëlle Lienemann.
Le FN est une plaie et un danger. On est d’accord. Mais la crainte qu’il inspire est-elle une raison suffisante pour justifier que les forces politiques démocratiques se livrent à des alliances foireuses et se placent derrière un homme controversé ?
Rappelons que malgré les fronts républicains, le sud de la France a connu quatre mairies FN. Et pas des moindres. Toulon, Marignanne, Vitrolles, et Orange. Aujourd’hui, le FN les a perdues (Jacques Bompard émarge désormais au MPF de Philippe de Villiers), tant leur gestion y a été mauvaise et la foire d’empoigne permanente.
L’extrême droite n’est pas gestionnaire. Elle est protestataire. Assumer des responsabilités concrètes est pour elle le signe annonciateur de sa déliquescence. Au contraire, les cordons sanitaires et autres fronts républicains, dès lors qu’ils n’offrent aucune garantie de solidité, ne font qu’assurer sa victimisation et sa survie.