Toujours là où on ne l'attend pas, Michael Winterbottom livre avec Un été italien ce qui est sans doute son film le plus beau et singulier qui soit, si limpide et réfléchi qu'on a du mal à croire que c'est le dix-septième film de son auteur en à peine quinze ans. Voici l'exemple même du film qui risque d'être desservi par son résumé le faisant ressembler au tout venant : travaillant avant tout sur la sensation, la perception et la déambulation, Winterbottom nous offre en fait un giallo version mélo, comme un remake du Ne vous retournez pas de Nicolas Roeg sans le fantastique. Un spectacle magnétique et impressionnant, et sans doute la meilleure mise en scène du britannique.
S'ouvrant sur une scène de trauma d'autant plus soufflante qu'elle était casse-gueule, le film se dirige rapidement du côté de Gênes, où aura lieu le travail de deuil du héros et de ses deux filles. Celui-ci se déroule de façon bien particulière : sous le regard d'un père forcément inquiet, l'aînée découvre les garçons et se perd progressivement dans les méandres de la ville, tandis que la cadette s'égare elle aussi en suivant le fantôme fantasmé de sa mère disparue. La ville joue un rôle essentiel dans le développement des personnages, cette attirante station balnéaire se mouvant de façon intangible en un vecteur d'angoisses multiples, un piège qui ne dit pas son nom, avec ses ruelles sombres et ses innombrables recoins.
Sans jamais quitter son enveloppe de drame digne et émouvant, Un été italien entraine une légère accélération du rythme cardiaque, faisant naître une sorte d'intuition collective à propos de ce qui risque d'arriver aux personnages. Comme si la perte d'une mère ne pouvait qu'amener vers d'autres drames. Curieuse oeuvre sur le deuil, la mémoire et l'oubli, le film de Winterbottom est la preuve si nécessaire qu'il est possible aujourd'hui encore de faire du neuf avec du très vieux, à condition d'avoir un ton.
8/10
(également publié sur Écran Large)