Principale voie de passage entre l’Océan Indien et l’Océan Pacifique, le Détroit de Malacca est un axe stratégique des échanges maritimes mondiaux. Il est également réputé être un haut lieu de la piraterie. Sous la pression internationale, les pays riverains, la Malaisie, l’Indonésie et Singapour se doivent de sécuriser cette zone. Une véritable guerre de l’information fût menée pour fragiliser cette voie stratégique, modifiant ainsi les rapports de force entre puissances dans cette région.
Rappelons que ce détroit permet l’approvisionnement en pétrole de puissances telles que les Etats-Unis, le Japon, ou encore la Chine et que depuis les attentats du 11 septembre 2001, les Etats-Unis mènent une guerre contre le terrorisme.
Deux étapes marquent cette guerre de l’information. Dans un premier temps, le rapprochement de notion entre les actes de piraterie et les actes de terrorisme, qui a eu pour effet de faire passer un acte crapuleux aussi intolérable qu’un acte barbare justifiant une lourde répression. Or d’un côté, la piraterie peut s’expliquer par la pauvreté des pays riverains, et particulièrement l’Indonésie où un Indonésien sur deux vit avec moins de deux dollars par jour. De l’autre côté, l’acte terroriste trouve sa source dans une revendication politique ou idéologique. La crainte pour la sécurité des navires qui transitent par le détroit monte alors d’un cran.
Dans un second temps et pour alimenter cette confusion, la Lloyds, opérateur mondial d’assurance maritime, classe le détroit en « zone de guerre » en juin 2005, et ce malgré la baisse sensible du nombre d’attaques de piraterie dans la région. La conséquence immédiate de ce classement marque le début de la prospérité de sociétés privées de sécurité maritime, qui assurent la sécurité des convois les plus sensibles. Cette prospérité profite surtout à un lobby proche du dispositif sécuritaire américain, disposant de sous-marins d’attaque, de frégates furtives, bref, de véritables bâtiments de guerre au service de sociétés privées.
Ainsi, la faille de la sécurité du détroit, avec la vague du combat contre le terrorisme, ont permis aux principaux pays consommateurs de matières premières, et de pétrole notamment, de légitimer leurs présences sur la zone, sous couvert de la sécurisation du détroit. Les Etats-Unis voient sécuriser une de leurs routes du pétrole, tout en favorisant les intérêts de sociétés de sécurité privée.
Bien que la Lloyds ait retiré le détroit de la liste en août 2006, après une contre expertise menée à la demande du syndicat maritime de Singapour, le mal était fait. Les commanditaires de cette guerre de l’information ont obtenu la sécurisation de leurs approvisionnements en matières premières.
PC