J’aime, de temps en temps, lire des ouvrages qui ont des points de vue franchement opposés aux miens, d’autant s’ils sont courts, bien écrits, cultivés mais clairs, modérés dans leur expression. Bref, à peu près tout ce que je suis incapable de faire…
C’est ainsi que j’ai apprécié “Apocalypse” de Michel Maffesoli (CNRS éditions, 2009, 4 €) dont la thèse centrale est que les nouvelles tribus (postmodernes: “synergie de l’archaïsme et du développement technologique”, en opposition aux thèses des “Lumières”) ont occupé l’espace socio-politique “dans l’exercice des solidarités, au quotidien,dans la reviviscence des forces primitives.(…) L’hédonisme, les plaisirs du corps, le jeu des apparences, le présentéïsme sont là comme autant de ponctuation de ce qui n’est pas un activisme volontariste, mais bien l’expression d’une réelle contemplation du monde. (…) Laisser vivre, laisser faire, laisser être. Voilà ce qui pourrait bien être les maîtres mots de ces tribus “innocentes”".
L’heure est donc à leur reconnaissance, en un nouveau communautarisme: “Voilà donc qu’est en marche un Ordo amoris accordant la priorité au sentiment d’appartenance et à l’expérience vécue. Toutes choses s’enracinant dans l’ici et maintenant. Que ce soit celui du territoire stricto sensu ou de celui des territoires symboliques que sont les sites communautaires sur Internet. En cela, tout un chacun s’emploie à jouir tant bien que mal de ce qui se donne à voir, et de ce qui se donne à vivre. Et ce dans la cadre d’un pacte tribal”.
J’aurai tendance hélas à penser que ces nouvelles tribus, si certaines sont hédonistes, ne sont pas toutes innocentes. Se dessine un monde où les plus puissantes, constituées en lobbies, profitent justement de ces “laisser vivre, laisser faire” orchestrés par le spectacle politico-médiatique, et que la société, en même temps qu’elle exhibe les plus “innocentes”, permet que prospèrent, dans l’opacité du communautarisme des ghettos rassemblant les exclus et les plus précaires, d’autres tribus nettement moins inoffensives. Au sommet, les tribus avides du Cac 40 en profitant pour se goinfrer abondamment.
En bref, je pense que M. Maffesoli montre ce qui est en cours, en positivant les aspects les plus sympathiques et gommant les conséquences les plus hideuses de cette abdication citoyenne, qui nous plonge dans les plus extrêmes conséquences de la société du spectacle, une société où l’entropie envahit, sous couvert de diversités, la société hors ses élites, en un retour aux pires époques de la féodalité.
- Sur les nouveaux étiquetages de produits alimentaires dont je parlais hier, le blog Déchiffrages.
- Perspectives d’une crise économique et financière qui sera (très) longue. Blog de P. Jorion.
- 2000-2008, augmentation des prix… Générations solidaires 06.