Parce qu'il permet de changer de monde en quelques heures, l'avion est sans doute le meilleur ami du voyageur. Pour "atterrir" à Séoul, c'est en revanche le pire des préambules : la facilité avec laquelle on "avale" les kilomètres dans les airs ne laisse rien présager de la difficulté à accomplir ses premiers pas en terre coréenne.
A l'occidental moyen, Séoul raconte donc d'abord une brève histoire de l'avenir : l'homme, transformé en artefact, semble pris dans une toile d'araignée à la fois urbaine et numérique, simple donnée noyée dans un réseau dont il ne parviendrait à s'extraire que par la magie d'un moteur de recherche. A Séoul plus qu'ailleurs, Big "Browser" is watching you !
Pourtant, le malaise que je ressens ne vient ni de cette modernité - déjà croisé dans bien des mégapoles d'extrême orient - ni de ma perdition actuelle, qui me contraint enfin - vaincu par chaos - à prendre un taxi. Il semble à l'inverse provenir d'une étrange sensation familière, d'un sentiment de "déjà vu", de cette curieuse impression d'êre en terrain connu qui n'a pourtant rien à voir avec mon expérience des villes asiatiques.
Alors, que faire ? Demander au taxi de retourner à l'aéroport ? Accepter un monde qui serait "partout pareil" ? Non. Simplement changer ma vision sur les choses et tout ce qui m'entoure. "Est-ce que toutes les villes ne sont pas les mêmes interroge d'ailleurs Le Clezio - dont j'ai lu quelques passages avant de venir dans cette cité où il a beaucoup vécu - elles ont des rues, des carrefours, des voitures qui avancent, des regards qui se cherchent". Comme la ville, le voyage n'est rien d'autre qu'un regard qui se cherche, qu'un oeil qui verrait enfin, qu'une vision qui cherche à se régénérer. L'important, ici, ne sera pas dans ce que je vois mais ce qui se dégage, s'apprivoise et, au final, se ressent. La magie du voyage est de vous faire oublier cette leçon dans votre quotidien pour mieux vous la resservir à chaque destination, tel un miroir sans tain qui révélerait enfin en vous une autre conscience des choses, un autre perception du temps qui passe, presqu'une nouvelle identité. Me voici rassuré : le sens (l'essence?) du voyage est trouvé.
Et comme par magie, l'hébergement si improbable depuis mon arrivée finit par devenir réalité. Après de multiples détours, arrêts et coup de fil du chauffeur, la voiture finit par arriver dans un quartier un peu à l'écart de l'agitation du centre, dont la surprenante sérénité semble subitement faire écho à mon apaisement intérieur. Près de la porte d'entrée, un panneau en coréen attire mon attention. J'ai demandé à mon hôte ce que cela signifiait. Il m'a répondu : "Bienvenue au pays du matin calme".