Place d’Assas, fontaine centrale (détail). Mais qu’es aquò?
La légende nous apprend que le chevalier d’Assas (1733-1760), officier d’origine cévenole au siècle des Lumières, s’est sacrifié pour sauver son régiment. Une place de Nîmes porte ce nom, en hommage - on veut croire (1) - à la geste de ce héros magnifique.
Sachez de même que cette place a été aménagée en 1989 grâce au concours d’un plasticien dont le patronyme évoque le nom d’un dignitaire de l’Égypte (2) ; Martial Raysse, c’est de lui qu’il s’agit, a créé deux fontaines censées figurer, l’une, le dieu Nemausus, l’autre, la source Nemausa, à l’origine de la cité des Antonins, fontaines destinées à gommer l’aspect par trop minéral du lieu et qui font pendant à une fontaine principale.
L’intention était louable, le résultat, vingt après, affligeant. Que tout cela est abstrait!
Le créateur aurait-il voulu plutôt honorer Némésis, la déesse de la vengeance après avoir eu maille à partie avec quelque édile de naguère? (3)
Si, à l’époque du chevalier d’Assas, la Raison triompha jusqu’à arborer une majuscule, l’ensemble constitué sur la place qui borde l’écusson rassemble, en effet, un patchwork qui associe : références mythologiques incertaines, emblèmes pseudo ésotériques et statues à l’expression mesquine (pauvre au sens étymologique) - laissons les snobs dire hiératiques - que ne parvient pas à rehausser l’attitude de la divinité qui surgit topless de la fontaine centrale, les bras ouverts en direction d’on ne sait trop quel dieu païen.
Je rêve de voir se substituer à ce fatras les bustes des philosophes des Lumières et des révolutionnaires de 89, les Condorcet, Diderot, Saint-Just ou Robespierre, dont on sait qu’ils admiraient l’organisation et les vertus romaines. Il y aurait là en quelque sorte une continuité historique ; après tout, Nîmes, fille aînée de Rome, n’a-t-elle pas été jadis la colonie choisie par Auguste pour promouvoir la romanité en Gaule? Mais, à défaut, la place de la Révolution ferait l’affaire!
Cela éviterait de laisser accroire à des touristes nippons en goguette qu’ils photographient des antiquités égyptiennes (d’où ma référence ci-dessus au raïs), là où n’existe qu’une création vieille d’à peine vingt ans et dont la patine pourtant fatiguée se souvient de Paul Nizan :
« J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. »
Si vous venez à Nîmes, à l’occasion de la feria, mieux vaut à l’évidence aller traîner vos guêtres place aux Herbes ; vous pourrez y admirer ce chef-d’œuvre de la chrétienté : la cathédrale Saint-Castor, elle date de la période fin du XIe - début du XIIe ; et là, sans erreur possible (4).
Notes
(1) j’emprunte cette tournure à Verlaine
(2) raïs : chef d’État, président
(3) tel Jean Bousquet, maire de Nîmes de 1983 à 1995
(4) « On est cependant certain qu’elle était terminée en 1150 », cf. Jacqueline Le Bray, Promenade dans le vieux Nîmes, 1986 (édition revue et corrigée en mars 2000)