La galerie KW, à Berlin
Les James Bond girls qui ondulent sur une musique inoubliable, l’oeil affolé de Vertigo, la Panthère rose qui s’amuse avec les titres… Ce sont tous des génériques de films qui font partie intégrante de notre imaginaire collectif. Et pourtant, le générique, c’est bien la première chose qu’on zappe sur notre lecteur DVD.
A tort, comme le démontre une superbe exposition au KW, à Berlin : “Vorspannkino”.
Dans quatre salles sont présentés, sur grand écran, les plus formidables génériques de l’histoire du cinéma. Où Spielberg côtoie Fincher, où Hitchcock fait de l’oeil à Caro et Jeunet. Oui mais : les génériques sont rarement l’oeuvre des réalisateurs eux-mêmes. Si Cocteau, Godard, Pasolini et Orson Welles aimaient à apposer leur griffe jusqu’aux titres de leurs œuvres, la plupart des réalisateurs font appel à des concepteurs de génériques. Fabriquer un générique de film est un métier et un talent à part, comme en témoignait Saul Bass, grand concepteur graphique mort en 1996, qui a collaboré avec les plus grands (Otto Preminger, Billy Wilder, Hitchcock). C’est lui, l’auteur des célèbres génériques de Vertigo et de Psychose.
Qu’est-ce qu’un bon générique? Un bon graphisme, une bonne musique. Ils doit donner le ton du film, ne pas en dire trop, savoir présenter les petites mains qui se cachent derrière le montage, les costumes, la réalisation. En regardant toutes ces vidéos, finalement plus proches de l’art vidéo que du cinéma, je me disais que les distributeurs de l’industrie cinématographique pourraient en prendre de la graine, au lieu de nous servir des bandes-annonces très souvent ratées, qui racontent toute l’intrigue du scénario et donnent une piètre image du film lui-même.
Un bon réalisateur choisit souvent un bon concepteur de génériques. C’est que les grands artistes ont conscience de l’importance de ce qui amène leur œuvre : tout est spectacle. N’avez-vous pas remarqué que les génériques de vos films préférés sont souvent excellents ?
Mon préféré, parmi tous les génériques jamais créés, reste celui du Mépris de Jean-Luc Godard, réalisé par ce dernier lui-même. Godard ne se contentait pas de briser les codes du cinéma avec des regards caméra, et une musique envahissant les dialogues. Il narrait le générique, par l’image et par la voix. Regardez plutôt… Entre la musique de Delerue, la photo de Coutard et la voix de Godard, j’en ai des frissons.
« Le cinéma, disait André Bazin, substitue à notre regard un monde qui s’accorde à nos désirs ». Jean-Luc Godard dans le générique du Mépris (1963)