Après avoir relaté les « exploits » d’Albert Spaggiari dans Sans arme, ni haine, ni violence, puis de Jacques Mesrine dans le diptyque L’instinct de mort/L’ennemi public n°1, c’est à une autre figure du grand banditisme hexagonal, roi de l’évasion spectaculaire dans les années 1980, que s’intéresse le cinéma français : Michel Vaujour.
Réalisé par Fabienne Godet, Ne me libérez pas je m’en charge est un documentaire formellement très classique où, seul face à la caméra, l’ex-gangster raconte sa vie, de son enfance difficile à ses premiers larcins, puis l’alternance d’emprisonnements, d’évasions et de courtes cavales, jusqu’à sa libération, en 2003.
Le dispositif, étiré sur près de deux heures, pourrait vite s’avérer répétitif et ennuyeux, d’autant que seules quelques rares images d’archives viennent entrecouper l’interview. Cela l’est un peu, évidemment, mais pas tant que cela, essentiellement grâce au charisme indéniable de Vaujour, silhouette insaisissable et attachante.
Il faut dire que le bonhomme, à sa manière, est une sorte d’ode à la liberté, lui qui a été enfermé pendant la majeure partie de sa vie d’adulte et qui, même durant ses courtes périodes dehors, à la faveur de ses évasions spectaculaires, n’a jamais pu prétendre à une vie normale. Vaujour s’est même retrouvé prisonnier de son propre corps, lorsque durant sa dernière cavale, au cours d’un hold-up raté, il s’est pris une balle en pleine tête, qui, après une période de coma, l’a rendu hémiplégique. Il a néanmoins réussi à s’en sortir, au prix d’une longue rééducation physique. Qui s’est accompagnée d’une véritable volonté de réinsertion.
C’est probablement là son évasion la plus réussie. Il a réussi à vaincre ses démons intérieurs et l’engrenage infernal dans lequel il s’était retrouvé embringué, pour finalement trouver une certaine paix intérieure, et accepter de purger sa peine. Ce qui lui vaut, aujourd’hui, d’être un homme libre, avec une vie bien rangée et une femme aimante.
Ce portrait, c’est un peu l’apprentissage de la sagesse par des voies extrêmes. Mais aussi un cri de révolte contre un système judiciaire pas toujours équitable. Au départ, Vaujour n’était qu’un petit délinquant, un jeune homme de dix-neuf ans qui « empruntait » des voitures pour faire des virées nocturnes avec sa fiancée de l’époque. Arrêté, il a pensé bénéficier d’une peine assez clémente, puisqu’il n’avait jamais fait de mal à qui que ce soit, et qu’il restituait toujours les véhicules dérobés. Mais le verdict fut plus lourd, le condamnant à plus de deux ans de prison ferme. Le fait que sa belle soit tombée amoureuse d’un inspecteur de police n’est probablement pas étranger à la sévérité de la peine prononcée. Se révoltant contre ce qu’il considérait comme une injustice flagrante, Vaujour a nourri l’obsession de retrouver sa liberté et a constamment cherché à s’évader. Le problème, c’est qu’à chaque évasion, sa peine s’alourdissait et que pour pouvoir subvenir à ses besoins lors de ses périodes de cavale, il a du se lancer dans le grand banditisme et les hold-up à main armée. Un véritable cercle vicieux qui aurait pu très mal finir…
C’est cet aspect de la personnalité de Michel Vaujour qu’a souhaité mettre en avant Fabienne Godet, par ailleurs réalisatrice de Malgré tout le respect que je vous dois, autre film sur des injustices, professionnelles celles-là… On sent chez la cinéaste une véritable compassion pour son sujet, une véritable admiration.
Trop, peut-être. Car en axant tout sur le charisme de Vaujour, la cinéaste a pris le risque de tomber dans la complaisance et de faire sans le vouloir l’apologie de cette vie de violence, en dehors des lois.
Evidemment, tout cela est tempéré par les propos de l’ex-braqueur, qui ne pousse pas franchement ses enfants ou ses neveux à suivre son exemple. Il a trop souffert de cette vie en milieu carcéral pour cela. Mais la volonté de réhabilitation à tout prix d’un type qui a quand même à son actif toute une série de vols à main armée est pour le moins dérangeante…
Au final, Ne me libérez pas je m’en charge laisse une impression assez mitigée. Le film de Fabienne Godet est fascinant et intéressant par certains aspects, ennuyeux et ambigu par d’autres. Il donne surtout envie de s’évader vers d’autres salles de cinéma, et des films plus séduisants…
Note :