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Longtemps Brigitte Giraud a rendu visite aux patientes adultes du professeur Claire Seriès
à l'hôpital Pellegrin de Bordeaux. Elle a écouté leur douleur à ne pas être dans le plaisir simple de manger, à se laisser maigrir et maigrir encore comme les artistes du jeûne du temps de Kafka.
Elle est entrée dans leur groupe de parole conduit par le professeur Gérard Ostermann. Des notes sont venues sous sa plume. Des portraits ont esquissé des
ressemblances. L'anorexie mentale y apparaît comme un troublant oxymore. Les patientes de Claire Seriès, qui ont quitté les berges de l'adolescence, sont dans la faim du désir de vivre,
dans la faim du désir d'aimer et d'être aimées, mais l'anorexie,
en ses mystères, les ligote en elles-mêmes. Elles ne vivent pas ou si mal, et l'amour est un chardon auquel les autres redoutent d'être piqués... Construisent-elles à leur insu cette maladie qui
émince peu à peu leur silhouette, évide parfois jusqu'à l'extrême muscles et organes au point que même le cerveau maigrit ?
Voilà bien l'une des nombreuses questions que Brigitte Giraud pose dans son livre L'anorexie, un mystère galvaudé, subtitré Le désespoir amoureux de la vie. Entre récit
et essai, Henri Michaux, Fernando Pessoa, Fritz Zorn et la philosophe Simone Weil à l'appui, Brigitte Giraud réussit à
détricoter les lieux communs de cet "étrange attachement" qu'est l'anorexie. Sous le voile de la vulgate que les médecins ne sont pas forcément les derniers à colporter, un peu de chemin apparaît
qui montre un peu de sens dans cette poignante douleur de la faim.
A la fin de l'ouvrage, quelques patientes apportent leur témoignage, quelques infirmières aussi, dans la même sincérité, la même humilité.
Le livre de Brigitte Giraud, préfacé par Claire Seriès et Gérard Ostermann, est publié aux éditions Le Bord de l'Eau.
Disponible déjà sur le site de l'éditeur, il sera en librairie à partir du 18 avril 2009 et je ne doute pas qu'il saura séduire un public varié : patients et accompagnants, médecins généralistes
et spécialistes du corps dans sa globalité, sans compter tous les curieux des abîmes de l'esprit.