Casseurs, violences, insécurité

Publié le 12 avril 2009 par Stb

L'hebdomadaire Valeurs Actuelles consacrait récemment un article sur le retour de l'insécurité et l'apparition de "nouveaux barbares". Quelques jours après, en marge de la manifestation contre le sommet de l'Otan, des casseurs ravageaient le Port du Rhin à Strasbourg.

Détruisants pour l'occasion des "monuments" de l'école architecturale du XXème siécle (eh oui, l'argument échappe à beaucoup), ils ont cassé pour casser. Symbole ou dérive ?


Les nouveaux barbares
Insécurité. Délinquance en baisse, mais violence à la hausse.
Arnaud Folch, le 02-04-2009 à découvrir sur Valeurs Actuelles


Agressions, guets-apens contre des policiers, règlements de comptes : la multiplication de faits divers violents inquiète l’opinion. Et fait réagir Sarkozy.

Dimanche 22 mars au petit matin, dans le VIe arrondissement de Paris. Lionel, étudiant avocat de 21 ans, sort d’une discothèque. Sa petite amie, qui l’accompagne, est interpellée par trois jeunes. Lionel tente de s’interposer. L’un des jeunes se dirige alors vers lui et lui fracasse une bouteille de vodka sur la tête. Comme ça, pour rien. Puis la bande s’enfuit, laissant Lionel inanimé. Hospitalisé d’urgence, il n’a plus repris connaissance. Le 28 mars, il était mort.


Lundi 23 mars, sortie du collège des Dînes-Chiens à Chilly-Mazarin. Il est 17 h 20.Un élève de 16 ans se fait tirer dessus au flash-ball par deux individus cagoulés.Les balles le manquent. Il est rattrapé quelques mètres plus loin et “achevé” au couteau. Grièvement blessé au poumon et au coeur, son pronostic vital sera longtemps engagé.

Mardi 24 mars, Oignie, dans le Pas-de-Calais. Un couple de septuagénaires est réveillé en sursaut par deux hommes. Menaces, sévices : rien ne leur est épargné. Les cambrioleurs s'emparent de l'argent liquide. En état de choc, le couple pense son calvaire terminé.Mais avant de partir, les deux hommes enflamment la maison.

En trois jours, trois faits divers emblématiques de la montée de la violence. Venant s’ajouter à des dizaines d’autres. Et jusqu’à l’agression symbole, vendredi dernier, de la maire UMP de Saint-Gratien (Val-d’Oise), Jacqueline Eustache-Brinio, en représailles à sa politique antidélinquance.

Si les statistiques du ministère de l’Intérieur témoignent d’une baisse globale des actes de délinquance de 0,8 % en 2008, elles révèlent aussi une hausse des violences aux personnes (+ 2,4 %), des violences gratuites (+ 6,4 %), des braquages (+ 15 %) et des règlements de comptes (+ 102%!). «Certains voyous, aujourd’hui, sont rentrés dans l’ère du no limit, témoigne l’un des responsables de la Préfecture. C’est Orange mécanique au coin de la rue… »

Le phénomène est-il lié à la situation actuelle ? C’est l’opinion du criminologue Xavier Raufer : « Les périodes de crise favorisent les comportements déviants, en échauffant les esprits, générant des angoisses nouvelles, affirmet- il. Toutes les personnes saines d’esprit ressentent des angoisses en période de crise. 90 % le gèrent bien.Dans les 10% restant, 9 % bouillonneront de colère, mais sans tomber sous le coup de la loi. Le 1% restant va exploser. »

Nicolas Sarkozy a longtemps fait mine d’ignorer cette résurgence de l’insécurité : lui, autrefois si prompt à se rendre sur place après un fait divers, ne s’était plus déplacé depuis deux ans à la suite d’un acte de délinquance ! Mais, les faits de violence se multipliant, le chef de l’État a décidé de remonter au créneau. « Sur le social, la gauche est plus crédible que nous : sur l’insécurité, c’est nous les plus crédibles, résume un conseiller de l’Élysée. Le retour du thème de l’insécurité dans l’opinion est donc plutôt une mauvaise nouvelle pour la gauche… »

Deux jeunes grièvement blessés : l’un au couteau, l’autre au marteau

Passée totalement inaperçue – la presse préférant se concentrer sur ses propos contre les “patrons voyous” –, la partie du texte de Sarkozy consacrée à l’insécurité lors de son discours de Saint-Quentin témoigne de sa volonté offensive sur la question. Au point – bien que maintenant aux responsabilités – de reprendre les accents de sa campagne présidentielle victorieuse : « La liberté, s’est-il exclamé ce 24 mars sous les applaudissements, c’est de pouvoir prendre le métro sans se faire agresser par des voyous. La liberté, c’est d’envoyer ses enfants à l’école sans avoir peur qu’ils se fassent racketter. La liberté, c’est de pouvoir vivre sans avoir peur. La liberté, c’est de pouvoir faire ce beau métier de professeur des écoles sans être roué de coups. La liberté, c’est pouvoir faire son métier de proviseur sans être obligé de défendre ses élèves à coups de poing… »

Principalement visées : les bandes. « Tirer sur des policiers, comme on l’a fait la semaine dernière, c’est inacceptable, a-t-il ajouté. Je n’accepterai jamais, vous m’entendez, jamais, que des bandes puissent organiser des expéditions punitives. » Signe qui ne trompe pas : le Monde, qui n’avait pas consacré de une à l’insécurité depuis la présidentielle, en faisait sa première page le 17 mars : « Banlieues : les tirs contre la police se multiplient ». Rappelant le calvaire des policiers de Grigny (Essonne) et des Mureaux (Yvelines) venant, coup sur coup, d’être pris pour cibles, le quotidien citait Christian Loiseau, le directeur départemental de la sécurité publique des Yvelines : « Un échelon supplé supplémentaire a été franchi. C’est inquiétant, parce que cela veut dire qu’un verrou psychologique a sauté. »

À Grigny, où quatre policiers ont été blessés par des tirs de plombs, des bouteilles remplies de clous et de graviers ont été retrouvées, témoignant du guet-apens tendu aux forces de l’ordre. Idem aux Mureaux, où les policiers, appelés pour un véhicule incendié, ont été accueillis par des tireurs, postés alentour : vingt-quatre seront atteints, parmi lesquels dix blessés aux plombs. Posté derrière un talus, un tireur avec fusil à pompe parviendra à s’enfuir…

Médiatisées, ces deux affaires, rappelant le déclenchement des émeutes urbaines de l’automne 2005, ont eu d’autant plus d’impact sur l’opinion qu’elles sont loin d’être des cas isolés. Chaque jour, ou presque, voit les bandes agir. Le 9 mars, une bagarre générale en oppose deux à Vigneux-sur-Seine. Rebelote, le lendemain, à Grigny : deux jeunes sont grièvement blessés, l’un par un coup de couteau, le second par un coup de marteau sur la tête. Le 13, cinq mineurs et un majeur sont arrêtés à Ris-Orangis, en train de fabriquer des cocktails Molotov. Le 14 – jour de l’affrontement des Mureaux –, une patrouille de police venue, là encore, pour un incendie, est prise à partie à Évry. Toujours la même nuit, à 2 h 30, le commissariat de Montgeron (Essonne) fait à son tour l’objet d’une descente punitive : 150 impacts de plomb provenant d’une arme de chasse de calibre 12 millimètres seront relevés sur la porte en vitrage renforcé.

Au nombre de 222 recensées dans toute la France, dont 79 % en région parisienne, ce sont ces bandes – 2 500 à 5 000 individus au total – qui sont les premières responsables de la flambée de violence contre les policiers, les particuliers, les commerçants et entre gangs rivaux.Voilà pourquoi Sarkozy vient d’annoncer la création d’une peine de trois ans d’emprisonnement pour la simple « participation » à une bande. Une proposition qui a fait hurler à gauche. Et remonter Sarkozy dans les sondages (lire page 19).Provisoirement ? Le climat n’est pas sans danger pour le chef de l’État : celui-ci peut bien promettre de ne “jamais accepter” l’augmentation de la violence, voilà deux ans qu’il a été élu… et que la violence progresse.