Que s’est-il passé ce jeudi 9 avril, veille de début des vacances de Pâques, lors du vote de la loi Création et Internet ? François de Rugy, député Verts, le raconte ainsi sur le site de Libération : « Le gouvernement refuse de plus en plus les votes dits "solennels", votes qui sont organisés à un jour et à une heure connus à l'avance pour que chacun puisse s'organiser et être effectivement présent ou donner sa procuration ». Le vote solennel étant nominatif, on sait qui a voté pour, qui a voté contre, qui s’est abstenu et qui n’a pas pris part au vote. Ainsi risquent de se trouver exposées au grand jour les lézardes qui peuvent fissurer la majorité. Avançant comme prétexte que le vote solennel retarde l'adoption des textes (en fait, de quelques jours seulement), le gouvernement choisit le plus souvent de faire voter immédiatement à l’issue de la discussion.
Ecoutons ce que déclare ensuite François de Rugy : « J'ai constaté que plusieurs députés socialistes restaient groupés derrière la porte de l'hémicycle ou plus exactement derrière le rideau qui sépare le sas d'entrée du bas de l'hémicycle. [ …] Ainsi le groupe UMP se croyant majoritaire, sur la foi du décompte des députés effectivement installés à leur siège, n'allait pas tenter d'ultimes manœuvres de procédures pour retarder le vote et "rameuter" à leur tour des députés UMP dispersés dans leur bureau »
Sur le site Ecrans de Libération, Nathalie Raulin apporte quelques précisons sur cet épisode d’une vie démocratique de haut niveau : « Dans les contre-allées, les conseillers de Jean-François Copé et Nicolas Sarkozy remarquent la fébrilité grandissante des élus de gauche, dont les téléphones portables, sortis, témoignent d’un échange intense de SMS. Sans trop s’affoler : ils ont passé au peigne fin les salles annexes réservées aux parlementaires pour vérifier que la gauche n’a aucune troupe en réserve. " On a même été voir dans les chiottes et la bibliothèque ", confie l’un d’eux ». Depuis que Vladimir Poutine a promis de « buter les Tchétchènes jusque dans les chiottes », utiliser ce terme revient à se placer en mauvaise compagnie.
Résultat du vote : la loi est rejetée par 21 voix contre 15. Ce résultat a suscité dans la majorité plusieurs réactions, parmi lesquelles celle de Frank Riester, rapporteur du projet : « Nous avons été victimes d’une manipulation grossière, d’une obstruction bête et méchante des socialistes » et celle de Roger Karoutchi, chargé des relations avec le Parlement : « Un acte de flibusterie, un phénomène de razzia, d’un groupe socialiste minoritaire toute la journée, toute la matinée, qui fait rentrer au moment du vote, juste pile poil au moment du vote, des députés cachés à proximité, franchement dans quelle République vit-on ? »
Monsieur Karoutchi, c’est très simple, dans une République qui se contente de voir 36 députés sur 577, soit seulement 6% d’un effectif de personnes tout entier consacré à la confection de ses lois, prendre part au vote de l’une d’entre elles.