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Les limites de l'assistance au suicide

Publié le 12 avril 2009 par Samiahurst @samiahurst
L'autorisation de l'assistance au suicide en Suisse est une des législations les plus libérales du monde en la matière. Trois conditions suffisent: la personne qui souhaite mourir doit réaliser elle-même le geste fatal, et doit être capable de discernement; la personne qui accepte de l'assister ne doit pas avoir de motifs égoïstes. Et c'est tout. La loi ne prévoit pas que la personne fournissant l'assistance soit un médecin, ni que la personne la demandant soit malade.
Cet accord, qui dit en substance que l'état ne se mêlera pas d'une décision prise entre particuliers, laisse en théorie une place très large à la liberté individuelle. A quel point? L'association d'aide au suicide Dignitas (non, je ne vous mettrai pas de lien ici) s'apprête à en tester l'étendue. 'Pour clarifier' la légalité de l'assistance au suicide d'une personne en bonne santé, son fondateur Ludwig Minelli s'apprête à assister un couple canadien dont seul le mari est malade.
Est-ce si simple? Une poignée de main, l'accord mutuel, est-il suffisant pour autoriser l'assistance au suicide? Il y aurait là plusieurs problèmes. Par ordre croissant:
-Vouloir clarifier une loi, qui plus est dans un but militant, cela constitue-t-il un motif égoïste? Ça ressemble à de la pinaillerie, mais si un tribunal suisse décidait que oui cela invaliderait la démarche-même de 'tester les limites' et ainsi pas mal d'autres activités de Dignitas...On aimerait ajouter ici: 'nous verrons comment tranchera le tribunal', mais quelle décision de justice mérite qu'une personne meure pour la solliciter?
-Déclarer son intention de mourir avec son conjoint, est-ce un choix véritablement libre? Difficile question. Si cette pratique était autorisée, en viendrait-on à douter de l'amour de ceux qui ne le choisiraient pas? La réponse n'est pas évidente, mais la question est hantée de l'histoire des bûchers funéraires où les veuves étaient brûlées, parfois pour éviter l'opprobre de l'avoir refusé...
-Dans quelle mesure quelques contactes avant un voyage 'en aller simple' suffisent-ils aux précautions et au souci requis par la gravité de l'assistance au suicide? Il s'agit là aussi d'une question mettant en jeu une part importante de l'activité de Dignitas.
Mais au fond, savoir s'il peut être admissible d'assister le suicide d'une personne en bonne santé mobilise les raisons pour lesquelles l'assistance au suicide est tolérée. Ces circonstances remettent en question la notion-même d'autonomie. Deux de ses composantes sont l'indépendance de pensée, et l'identification à soi (ou la conviction que l'on agit selon ce que nous percevons comme nos soucis les plus fondamentaux). Et qu'est-ce qu'être amoureux signifie, sinon que notre pensée n'est pas indépendante, mais que c'est cela même que nous considérons comme le plus fondamentalement notre? Difficile question, à laquelle une réponse n'est en fait pas nécessaire. Car au delà de cette question, l'acceptation de l'assistance au suicide là où elle est légale repose en général sur la co-existence de deux dimensions: un choix authentique, oui, mais aussi la présence d'une souffrance incurable. Quelque chose qui ressemble à une maladie est donc bel et bien requis, du moins par l'opinion. Le deuil peut-il être cela? Une maladie? Qui justifierait l'assistance au suicide? Ce serait là une médicalisation étonnante, vaste, et profondément paradoxale.

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