Chemiakine, les vices et les enfants

Publié le 11 avril 2009 par Aurialie

La prochaine fois que j'irai à Moscou, je ne manquerai pas d'aller voir de mes yeux ce monument de Mikhaïl Chemiakine "Les enfants victimes des vices des adultes". Cette œuvre de près de 600 mètres, installée en 2001, est composée de deux statuts dorés d'enfants aux yeux bandés entourés de 12 autres statues de bronze représentant des dangers potentiels dans un style surréaliste grotesque (alcoolisme, exploitation, indifférence, drogue, prostitution, sadisme, ignorance, guerre, pseudo-savoir, vol, propagande de la violence, misère), plus une dernière statue pour ceux qui n'ont pas de mémoire.

Pour l'artiste, ce projet a été pensé et réalisé pour appeler à lutter pour la sauvegarde de la génération actuelle et de celles à venir : "En tant que peintre, j'appelle par cette œuvre à regarder en arrière, à entendre et voir ce qui se passe autour. Et il n'est pas trop tard pour former des hommes sensés et honnêtes." Certains détracteurs ont critiqué l'accentuation mis sur les vices, et non sur la défense des enfants, et souligné le côté nuisible du monument sur le psychisme de l'enfant.

Né à Moscou en 1943, Mikhaïl Chemiakine a passé son enfance en Allemagne, avant de revenir en URSS où il a intégré en 1957 le collège spécial de l'académie d'art Répine dépendante de l'Académie des Beaux-Arts de Léningrad. Mais la vie n'a pas été simple pour cet ami du chanteur Vissotski : il est exclu de l'école à cause de ses conceptions artistiques qui ne correspondaient pas aux normes du réalisme socialiste, occupe des emplois précaires (il est ouvrier, s'occupe de la maintenance, est postier), est interné dans un hôpital psychiatrique pour avoir osé présenter à un haut-gradé du Parti communiste ses principes sur le Synthétisme Métaphysique, écrits avec un groupe d'artistes. Les autorités soviétiques l'obligent à quitter l'URSS en 1971. Il s'installe alors en France, puis aux Etats-Unis, où il peut développer son art.

De nombreux monuments ont été installés en Russie depuis la chute de l'URSS : statue de Pierre Le Grand à l'intérieur de la forteresse Pierre et Paul, monument à la mémoire des victimes de répressions politiques (sur le bord de la Neva), monument à la mémoire des architectes, bâtisseurs de Saint Petersbourg, monument à la mémoire du député assassiné M. Manevich. Si ses projets sont essentiellement liés à la Russie, il vit actuellement en France à Châteauroux, où il travaille à la création d'un monument consacré aux Français qui ont aidé les juifs à échapper aux nazis sous l'occupation.