True Blood, adaptée d’une série de romans de Charlaine Harris, prend pour cadre la petite ville de Bon Temps en Louisiane, au moment où l’espèce humaine se retrouve à une étape charnière de son histoire. En effet, suite à l’invention d’un sang synthétique, les vampires, qui existent vraiment, ont décidé de faire leur coming out en espérant enfin vivre hors de l’ombre. Une situation qui n’est pas sans poser des problèmes comme va rapidement s’en apercevoir Sookie Stackhouse (la délicieuse Anna Paquin), serveuse au bar le Merlotte (et accessoirement télépathe) lorsque Bon Temps va accueillir son premier vampire, le ténébreux Bill Compton (Stephen Moyer).
Bienvenue en Louisiane
Lorsque l’on visionne la série pour la première fois, on comprend vite pourquoi les romans de Charlaine Harris ont attire Alan Ball. Déjà sujet important dans Six Feet under (au travers de l’homosexualité de David par exemple), l’intégration des minorités au sein de la population WASP est cette fois au centre de sa nouvelle création. Et quel meilleur cadre que la Louisiane pour parler de racisme et d’acceptation des différences ? Tous les personnages principaux de True Blood sont en effet des outsiders, qui malgré les apparences ne sont pas totalement intégrés dans la petite communauté. C’est particulièrement évident pour Bill, qui cristallise toutes les peurs et les envies de la population de Bon Temps, mais c’est aussi le cas des autres héros. Sookie lit dans les pensées et parfois a du mal à se retenir de ne pas commenter ce qu’elle « entend », étant dès lors considérée comme une jeune fille sotte et malpolie. Son rapprochement avec Bill contribuera à l’exclure d’autant plus. Sa meilleure amie Tara est noire, a une mère alcoolique et surtout une grande gueule, ce qui la met souvent dans l’embarras. Cette agressivité constante est bien entendu un moyen de se protéger pour ne pas être blessée, mais l’empêche de se rapprocher de quiconque, et surtout du grand frère de Sookie, Jason, dont elle est amoureuse depuis l’enfance. Jason est lui un garçon irresponsable, ne pensant qu’a coucher à droite à gauche et totalement méprisé par la quasi-totalité de la population de la ville. Et le fait que plusieurs de ses conquêtes se fassent assassiner n’aide définitivement pas à son intégration. On citera aussi Sam Merlotte, propriétaire du bar de la ville cachant un lourd secret (outre le fait d’être amoureux de Sookie) et Lafayette, le cousin homosexuel de Tara, seul personnage ayant l’air de très bien vivre sa différence.
Les scènes mettant en exergue le manque d’ouverture de la petite communauté (voire des Etats-Unis en général, comme le montrent les flashs infos réguliers et autres extraits de talk shows) sont ainsi très nombreuses. Le don de Sookie lui ouvre souvent des portes qu’elle préférerait laisser fermées, lui donnant accès à toute les émotions humaines les plus répugnantes : racisme, jalousie, fantasmes malsains, agressivité, avidité… Une des scènes les plus fortes de cette première saison se déroule lors de la veillée de la grand-mère de Sookie, assassinée par le mystérieux tueur qui terrorise la ville. Lors de cette scène, Sookie s’aperçoit que si les gens sont venue la voir en lui amenant à manger, ce n’est pas pour la réconforter ou la soutenir, mais bien par pure curiosité morbide. Un constat atterrant, mais pourtant tellement réaliste et révélateur de la nature humaine (et pas seulement des mœurs des habitants de Bon Temps)… Mais si la plupart des gens ont peur de ce qu’ils ne connaissent pas, ils n’en sont pas moins attirés par ces mêmes choses : la scène d’ouverture présente par exemple un jeune couple voulant acheter du Tru Blood juste pour goûter, le frère de Sookie qui est farouchement anti vampire devient accro au sang de ces mêmes créatures de la nuit et à ses vertus aphrodisiaques, etc. Comme dans Six Feet under, Alan Ball présente donc toujours plusieurs facettes des personnages et refuse tout manichéisme.
Sang pour Sang fantastique
La pudibonde Stephenie Meyer, lorsqu’on l’interroge sur ses sources d’inspiration pour sa série pour ado Twilight, déclare qu’elle a eu l’idée de celle-ci au cours d’un rêve. Une bien jolie petite histoire mais certainement fausse, tant certains éléments de l’intrigue principale de la saison 1 de True Blood (tirée d’un livre de Charlaine Harris paru plusieurs années avant le « chef d’œuvre » de Meyer, on le rappelle) se retrouvent de façon troublante dans Twilight. Difficile en effet de ne pas rapprocher les deux œuvres tant les points communs sont nombreux : les deux personnages principaux tombent amoureux notamment parce que l’un d’entre eux est télépathe et trouve enfin quelqu’un dont il ne peut pas lire les pensées, un des meilleurs amis de l’héroïne est un métamorphe, il existe plusieurs groupes de vampires dont certains ont renonce à boire du sang humain alors que d’autres pensent être supérieurs à ces mêmes humains, etc. Dommage pour Stephenie Meyer, la comparaison est très loin de tourner à son avantage, puisque la série de Ball (et les livres de Harris) a le mérite d’embrasser totalement son sujet et de ne pas dénaturer le mythe du vampire. Les épisodes sont donc souvent assez sanglants (voire même gores dans le cas des spectaculaires morts des vampires) et très sexués. Bill Condom est par exemple sexy, avec une touche de charisme animal et de perversité ce qui rend sa relation avec Sookie d’autant plus intéressante. Le lien entre le sang et le sexe, entre éros et thanatos, est d’ailleurs au centre de cette première saison, puisque le mystérieux tueur qui sévit à Bon Temps n’assassine que des jeunes femmes ayant couché avec des vampires et accepté de se faire mordre par eux. Une attraction à laquelle Sookie finira par succomber au cours d’une superbe scène au symbolisme appuyé (la jeune fille vierge dans sa robe blanche) mais pourtant ne tombant pas dans le ridicule. Et c’est d’ailleurs là une des grandes forces de la série : réactualiser le mythe du vampire tout en se montrant extrêmement respectueux de ses codes (sans pour autant tomber dans la parodie ou l’application idiote). Constamment sur le fil du rasoir, la série se permet aussi de grands moments comiques, mais jamais de façon cynique. On rit donc beaucoup, le show se révélant ouvertement humoristique (voir par exemple l’épisode où Jason ingurgite du sang de vampire et se retrouve avec une érection permanente et incontrôlable) mais jamais aux dépends de l’aspect dramatique.
Ajoutez à cela un univers vaste et offrant de multiples possibilités de développement passionnantes (l’organisation des vampires avec leurs shérifs, la présence de métamorphes, la secte anti-vampires, les vampires rebelles…) ainsi que de nombreux cliffhangers en fin de saison (le cadavre dans la voiture de l’inspecteur Bellefleur, la mystérieuse femme qui recueille Tara, l’arrivée d’une jeune vampire initiée par Bill…) et vous comprendrez que la saison 2 risque tout aussi passionnante que la saison 1…
Note : 9/10