Cela n'a échappé à personne, la majorité parlementaire a essuyé un gros camouflet avec le refus de la loi "Création et Internet", qui devait voir la création de HADOPI (Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des Droits sur Internet). Pourtant, après les vacances parlementaires, le texte sera réexaminé (sans doute le 28/04), et cette fois-ci, l'UMP battra le rappel des troupes.
Pourtant, cet échec devrait interpeller le gouvernement sur ce texte bardé d'erreurs (voir mon précédent billet), mais surtout qui dispense l'industrie musicale de réflexion sur les raisons de cette dégringolade., sans parler du volet "Création", totalement oublié dans les propositions Et d'entendre Pascal Nègre dire aux gens d'arrêter de télécharger pour aller écouter la musique sur Deezer, ça ne fait pas trop rire les labels indépendants. Le chiffre cité par Philippe Couderc dans le Sud-Ouest d'hier est édifiant : pour 34 000 écoutes d'un de leurs titres, Vicious Circle (le label dont il est le patron) touche 28 euros. Oui.
Cette loi n'est pas bien accueillie par ces petits labels, en tout cas pas pour ce qu'elle est. Elle a pour seul mérite de rappeler que télécharger, c'est FORCEMENT nuire à certains acteurs. J'insiste, il y a forcément des personnes qui en pâtissent, il n'y aucune gloire à faire tourner Emule à longueur de journée. Evidemment que les gros vendeurs, vous ne leur enlèverez rien. Mais derrière un petit disque, il y a des gens qui travaillent, des labels, des gens qui font la promo, des artistes bien sûr. Bien sûr, on peut dire "mais je vais aux concerts", mais c'est loin d'être le cas de tous les gros téléchargeurs. Parce que oui, c'est sans doute ce qu'il y a de mieux pour récompenser les artistes, mais donc pourquoi les gens se sont détournés du support physique (sans franchement se rabattre sur le tout numérique...), alors que manifestement les gens sont toujours friands de musique ?
C'est peut-être parce que les maisons de disque ont péché, se foutant ouvertement de la gueule de leurs clients avec des éditions multiples de leurs CD, l'une avec des bonus, puis une autre édition, et encore une. Combien de fois cela m'est arrivé d'acheter un CD puis de le voir plus tard moins cher dans les bacs, avec force bonus. Sinon, il y a aussi le CD minimaliste, celui qui vous est vendu sans rien ou presque (livret vide, pas de paroles, artwork douteux). Bref, acheter un disque devient clairement rebutant par moments, et quand on lit ensuite la répartition de la somme payée, ce n'est guère plus glorieux. L'artiste, en bout de course, se retrouve avec une poignée d'euros.
Au final, l'acheteur indécis se retrouve avec tout un ensemble d'arguments qui pourraient l'inciter à ne pas acheter. A vrai dire, pourquoi payer cher (car c'est souvent cher) un article peu soigné (parfois) et qui finalement ne rapporte pas grand chose à l'artiste ? Ce serait sans doute une première piste à creuser pour ceux qui vivent du disque, il n'y a qu'à voir le renouveu du vinyle pour comprendre qu'il y a encore un intérêt des consommateurs pour l'objet physique.
Quant au volet soit-disant pédagogique de HADOPI, je n'y crois pas du tout : il ne suffit pas de dire "cest mal" aux gens pourqu'ils arrêtent, c'est totatelement idiot que de penser qu'un téléchargement en moins, c'est une vente en plus. Le travail de "rééducation" face à l'objet culturel ne peut donc être effectué avec une seul eloi, à fortiori répressive. Il va falloir que l'industrie du disque (je parle que de musique, mais c'est valable pour le cinéma aussi) se retrousse les manches et propose un peu plus aux consommateurs, différemment sûrement aussi. Il n'y aucune solution simple, et c'est ce que la loi "Création et Internet" prétendait être : forcément, ce sera un échec (comme la loi DAVDSI de 2006, qui n'a rien réglé). J'ai l'impression que l'on va rester au point de départ un bon moment...