Le chef de l'Etat a fait une apparition surprise mercredi après-midi dans un lycée du Val-de-Marne. Décryptage.
L'Elysée a trouvé la parade pour éviter des débordements tels que ceux qu'a connus Nicolas Sarkozy à Saint-Lô : ne pas prévenir de la venue du chef de l'Etat. C'est ce qui s'est passé mercredi après-midi, à l'occasion d'une rencontre de près de deux heures au lycée Champlain de Chennevières-sur-Marne (Val-de-Marne).
A l'origine, ladite rencontre était prévue entre des élèves volontaires et Richard Descoings, le directeur de Sciences-Po et chargé de mission par le gouvernement pour débloquer la réforme du lycée. Mais, à 16 heures, quelle ne fut pas la surprise de ces mêmes élèves de voir ce dernier arriver en compagnie du président de la République et de son ministre de l'Education nationale, Xavier Darcos.
La visite sur Twitter et YouTube, mais que deux journalistes
Pour suivre les débats en direct, une seule manière : lire les messages sur le compte Twitter de LycéePourTous.fr, le site mis en place par Richard Descoings. Quatorze messages de 140 caractères maximum en tout et pour tout. Petit florilège :
« N. Sarkozy : on est surcocooné au lycée et complètement livré à soi meme à la fac : il faut responsabiliser les lycéens »
« N. Sarkozy : quand on me dit c'est pas possible, j'ai encore plus emvie de le faire& »
« une lycéenne interpelle sarkozy sur le plaisir. Il lui répond le plaisir est au bout de l'effort. »
Un autre compte-rendu de la réunion était disponible dans la soirée, sous la forme de six courtes vidéos postées sur le compte YouTube également de LycéePourTous.fr. En témoigne, celle-ci de Nicolas Sarkozy, qui « ne voit pas pourquoi il faudrait faire S pour préparer médecine ». (Voir la vidéo)
Seuls deux journalistes, de l'AFP et du Parisien, ainsi qu'un photographe de l'AFP ont été conviés. Au dernier moment. « J'ai été prévenue en fin de matinée par l'Elysée. Comme souvent, ce n'est que dans la voiture que j'ai appris la destination », explique Nadège Puljak, agencière de l'AFP, qui a fait un long papier à partir de citations transmises aussi à ses confrères de Reuters et AP.
Moins factuel est l'article publié le lendemain dans Le Parisien. Son auteur, Didier Micoine écrit au sujet de la méthode de la visite surprise choisie par le chef de l'Etat :
« Il est venu sans caméra de télévision. Cette discrétion a permis de prévenir toute manifestation et d'éviter l'impressionnant dispositif policier qui entoure les habituels déplacements présidentiels. Elle aura aussi donné l'occasion au ministre de l'Education nationale de se rendre dans un lycée sans se faire chahuter. »
« Des centaines de policiers, une ligne de bus déviée »
« Un dispositif de sécurité minimum », également décrit sur Europe1.fr, et confirmé par l'Elysée au téléphone à Rue89. Seulement, cette version n'est pas corroborée par deux autres journalistes du Parisien, non invitées mais présentes sur le terrain et pas dans le cortège présidentiel. Le début de leur article, publié dans les pages locales du quotidien, jeudi aussi, donne le ton :
« Des centaines de policiers, une ligne de bus déviée, une circulation difficile : la visite du président de la République, hier, au lycée Champlain de Chennevières, en limite de Champigny, était tellement secrète que chacun y allait de sa supposition pour expliquer un tel déploiement de forces de l'ordre. »
Au téléphone, l'une des deux plumes, Anne-Laure Abraham, détaille un peu plus encore ce qu'elle a vu, ce que confirme également la photo illustrant leurs propos (voir ci-dessous) :
« Vers midi, on a commencé à voir une trentaine de véhicules de police à l'angle d'une rue, à côté du lycée. On se demandait ce que c'était, on a même pensé que c'était pour le transferts d'Yvan Colonna. C'est ma collègue, Fabienne Huger, qui a été prévenue par un de ses contacts qu'il s'agissait de la visite de Nicolas Sarkozy.
C'était blindé, le quartier était bouclé, les habitants se demandaient ce qu'il se passait. C'était vraiment un gros dispositif. Clairement, tout a été fait pour éviter des débordements. »
Difficile, dès lors, de croire les rares précisions que l'Elysée à accepter de fournir à Rue89 sur cette venue inopinée du président de la République :
« Nicolas Sarkozy a décidé d'accompagner Richard Descoings au cours du déjeuner un peu plus tôt avec les lycéens de la Manche. Il a estimé que c'était la suite logique de ce déjeuner. »
Comment expliquer donc que la journaliste de l'AFP ait « été prévenue en fin de matinée » ? Peut-on mobiliser « des centaines de policiers » et dévier une ligne de bus en quelques minutes ? L'agenda élyséen est-il modulable si facilement ?
D'autant que la date arrangeait également le chef de l'Etat : le mercredi après-midi, les lycéens n'ont pas cours. A part quelques uns d'entre eux qui passaient des examens blancs et ceux qui s'étaient inscrits pour la rencontre avec Richard Descoings, les couloirs étaient déserts. Idéal, décidément, pour éviter tout mouvement de mauvaise humeur.
Par Julien Martin | Rue89