L'OUBLI
Tu es là prostré sur le grand sofa depuis des jours. Et tu chiales. Entre une crise de sanglots et l'autre tu verdis un rouleau d'essuie tout. Tu aurais du trouver la force de sécher un temps tes larmes pour descendre t'acheter des kleenexs, la texture plus délicate du papier ne t'aurait pas autant ruiné le nez, qu'on dirait poncé au papier de verre. Mais qu'est ce que tu crois? Que tu es le premier? Ou le seul? Tu dis que tu vas mourir, que tu veux mourir? Ce n'est pas la première fois que tu dis des conneries. C'est juste que dit comme ça, la bouche pâteuse et un filet de bave aux commissures des lèvres, c'est encore plus pathétique...
Tu crois vraiment que je te dis cela pour te remonter le moral? C'est pourtant vrai. Cette douleur là, c'est juste un leurre; souffrir c'est un acte romantique, en fin de compte, mais ça passe. Tout passe.
Et un Jour tu entendras une chanson, quelques notes de musique; ce sera au supermarché en faisant les courses du wee-end, ou pris dans les embouteillages, sur une radio Fm de quartier. Ou bien ce sera des mots, une phrase, comme une sorte de mot de passe en prise directe avec cette blessure que tu croyais refermée. Ou alors un parfum qu flotte innocemment dans l'air, comme cela arrive si souvent les premiers jours de printemps...
Et alors tu te gratteras, tu écorcheras à nouveau la plaie, jusqu'à ce qu'elle saigne. Mais tu verras comme elle se refermera vite, toujours plus vite, tu sera surpris de la vitesse à laquelle tu finiras par cicatriser.
Et un jour, comme moi, tu entendras une énième fois cette chanson, ou cette phrase, ou tes narines frémiront encore de ce parfum d'un temps... Et tu te rendras compte, avec une stupeur coupable, que tu as oublié sur quel bras même se trouve cette cicatrice... Le gauche... Le droit... Et la démangeaison cessera, comme elle a commencé.
Pas de dédicace particulière ni de référence précise.