Avec sa voix off faussement authentique et les gloussements perpétuels de ses personnages féminins, Chéri ressemble dès le début à une farce, alors que l'objectif est pourtant de décrire un amour tragique et déchirant. L'explication est toute simple : bien que de facture classique, le film semble étouffer sous les désirs de modernité de son réalisateur, qui aimerait parler à la fois aux lectrices de Colette et aux ados peu rompus à ce genre de cinéma. La construction du film et les raccourcis employés en sont une autre preuve. Après avoir bruyamment (et brièvement) mis en scène la naissance et l'idylle de ceux qui se surnomment Nounoune (en français dans le texte) et Chéri, Frears nous plonge dans des abîmes de perplexité lorsqu'il filme l'après rupture. Bon nombre de comédies romantiques, juste avant les retrouvailles finales et heureuses, montrent les deux amants, chacun de son côté, séparés par un malentendu ou un désaccord, la plupart dans un montage parallèle et musical. C'est exactement ce que fait Frears, mais sur une durée de trois quarts d'heure. De quoi donner envie de s'arracher les cheveux.
Quand ont finalement lieu les retrouvailles, c'est pour nous abreuver d'un dialogue assez pompeux sur le désir, le mérite et l'âge, provoquant un très mince regain d'intérêt pour une histoire extrêmement prévisible. L'ensemble se veut grave et cruel, mais seules les intentions apparaissent à l'écran. Fort heureusement, Michelle Pfeiffer est excellente dans la peau de l'ex courtisane vieillissante, son visage remodelé constituant un étrange atout pour le rôle. Face à elle, Rupert Friend est une petite révélation en dandy fantomatique, comme une sorte d'orlando Bloom avec du charisme. C'est pour eux, et uniquement pour eux, que l'on peut se frotter à ce Chéri bien pataud, où l'on peine à retrouver celui qui nous offrit jadis My beautiful laundrette ou High fidelity.
4/10
(également publié sur Écran Large)