Les prix qu'on donne, et ceux qu'on ne reçoit pas

Par Georgesf

Depuis deux mois, j'ai participé à deux remises de prix, qui m'avaient invité comme juré.

Le prix Plume d'agence, qui récompensait les meilleurs nouvellistes de la publicité, et le prix Sciences Po, qui récompensait les meilleurs Sciences Po et HEC, en deux catégories : nouvelles, et poèmes.

Deux expériences intéressantes, par les rencontres qu'on y fait lors des débats entre jurés, mais aussi par les découvertes de nouveaux auteurs, qui débarquent avec de nouveaux registres d'écriture, parfois de nouveaux thèmes étonnamment convergents.

Ces débats sont aussi formateurs par leur pédagogie en matière de relativisme, voire de modestie. On y apprend, on s'y rabâche que l'attribution d'un prix est un jeu aléatoire : tel texte excommunié par un juré sera béatifié par un autre. Cela, même quand lesdits jurés sont auteurs régulièrement publiés. En revanche, il ne viendrait pas à l'idée aux jurés de contester la pré-sélection qu'on nous propose : les meilleurs sont réputés être là.

Quand on passe de l'autre côté du rideau, les certitudes sont moindres. J'ai été candidat, cette année, à trois prix littéraires : le Prix du Quai des Orfèvres avec un polar (mon premier, peut-être mon dernier) qui n'a pas encore été publié, le Prix de l'Humour Noir avec "Le film va faire un malheur", et le Goncourt de la Nouvelles, avec "Qui comme Ulysse".


Le résultat ?
 

- Je n'ai pas été admis en sélection finale du Grand Prix du Quai des Orfèvres. Je suis un peu déçu, mais je le comprends. Le prix est remis par la Directrice de la P.J. en présence des médias. Il aurait été délicat de célébrer un roman dans lequel la commissaire est à couteaux tirés avec un juge d'instruction qui a été son amant. Un roman dans lequel les médias jouent un rôle peu honorable. Et peut-être que ce roman n'est tout simplement pas assez bon.

- Je n'ai pas été admis en sélection finale du Grand Prix de l'Humour Noir. Je le regrette un peu plus. Mon premier roman, le Vertige des auteurs, avait, lui, été retenu en finale. Il avait même failli monter jusqu'à la plus belle marche. Et j'ignore si mon éditeur a donné le petit coup de pouce qui permet de considérer une candidature.

- Je n'ai pas été admis en sélection du Goncourt de la Nouvelle, je l'ai appris ce soir. Là, c'est franchement une amère déconvenue, car j'y croyais ferme pour mon "Qui comme Ulysse". Je vous donne les éditeurs des quatre finalistes, ce sera plus signifiant que les auteurs : deux Gallimard, un Le Seuil, et le quatrième, vous devinez ? Non, vous avez perdu, pas Grasset, car Grasset abhorre la nouvelle (on ne peut même pas déposer de manuscrit de nouvelles chez Grasset : ils ont Châteaureynaud, ils ont décidé que ça suffisait). Le quatrième est un éditeur inconnu, Diabase, il en faut toujours un pour préserver l'idée que ce Goncourt joue un rôle de découvreurs de nouveaux talents.

Ne pas gagner ce Goncourt, je le concevais très bien, pour des raisons données en haut de ce billet. Mais ne même pas avoir été soumis à la lecture des jurés, franchement, non, ça ne passe pas. Je le vis comme une humiliation. C'est d'autant plus humiliant que la sélection a été, cette année, plus réduite que d'habitude. Comme si l'on voulait me faire savoir qu'il ne s'agit pas d'un manque de places à bord : c'est simplement que je n'y ai pas ma place. Ce n'est pas une claque pareille qui donne envie de se lancer dans un nouveau recueil. Je vais en tout cas attendre que la joue dégonfle.

Pour la première fois depuis longtemps, je ne lirai pas les recueils des finalistes du Goncourt de la nouvelle. J'aurais l'impression de voir quatre lascars me chiper mon taxi en Gare de Lyon et partir avec des bras d'honneur.

Mauvais joueur ? Oui, évidemment : je suis en train de devenir un écrivain normal.