Il ne faut pas vendre la peau de la loi Hadopi avant de l’avoir votée. La leçon profitera à Nicolas Sarkozy qui se réjouissait un peu trop tôt, le matin même au petit déjeuner de la majorité, de l’adoption du projet de loi, considéré comme un “geste majeur”. L’Assemblée nationale peut encore réserver des surprises surtout, quand des députés espiègles se mettent à jouer à cache-cache derrière le rideau qui sépare le sas d’entrée du bas de l’hémicycle.
21 à 15, score sans appel les flibustiers socialistes ont renversé un vote annoncé plié d’avance. Mauvaise perdante, la majorité plutôt que de reconnaître son dilettantisme, préfère garder ses foudres pour une opposition pour une fois bien organisée. Bernard Myet, président du directoire de la Sacem, ne s’y est pas trompé. Déplorant ce nouveau retard dans l’adoption de la loi, il note ” la détermination de ceux qui s’opposent au texte et le manque de vigilance de ceux qui le soutiennent”.
Le jeune député Franck Riester, rapporteur du projet, préfère lui dénoncer une obstruction scandaleuse du Parti socialiste, une “manœuvre politicienne” évoquant des députés socialistes “sortis de leur cachette pour faire capoter le texte“. “Le texte va être voté, on va juste perdre encore un peu plus de temps“. Le secrétaire d’Etat aux Relations avec le Parlement, Roger Karoutchi, très agacé a commencé à parler de putschistes pour revenir à un peu plus de raison en évoquant des “actes de flibuste de la gauche“.
D’abord sur cette ligne “Filmez bien le visage souriant des députés socialistes qui ont vraiment fait un coup formidable, parce qu’en faisant ça ils envoient un message catastrophique à nos artistes français, qui j’espère, sauront s’en souvenir “, Jean-François Copé patron des députés UMP a en fin de journée choisi d’assumer sa responsabilité. “Un coup de pied au derrière, ça fait toujours avancer. Je l’ai parfaitement reçu comme un nouvel avertissement“.
Le PS a gagné une bataille mais pas la guerre. Dans l’après-midi Jean-François Copé indiquait que le texte sera de nouveau examiné le 28 avril. Pourtant, deuxième couac qui témoigne des tensions qui traversent la majorité, dans un communiqué diffusé dans la soirée, le président de l’Assemblée, Bernard Accoyer (UMP) en voyage à Moscou a rappelé que la date fixée pour une nouvelle lecture “relevait de la conférence des présidents“.
Dans le registre tonton flingueur, Frédéric Lefebvre porte-parole de l’UMP, a préféré accuser le président PS de séance à l’Assemblée nationale de “complicité” dans le rejet surprise. “Je crois que c’est la première fois qu’il y a dans cet hémicycle la complicité d’un président de séance, qui devient socialiste plutôt que président au moment où il y a ce type d’opération“, a déclaré M. Lefebvre sans le nommer Alain Néri.
M. Néri, député PS du Puy-de-Dôme, et l’un des deux vice-présidents de l’opposition sur les six de l’Assemblée que compte l’Assemblée. A ce titre, ils sont appelés à présider par alternance les séances. Interrogé par l’AFP, M. Néri s’est contenté de déclarer : “Ce sont des accusation mensongères et calomnieuses que je récuse“. “Quand on met en cause la présidence de l’Assemblée nationale, on s’attaque à la démocratie, ce sont des propos irresponsables“.”Quand on est battu, il faut avoir le courage de reconnaître ses erreurs. J’ai appliqué le règlement à la lettre, seulement, en cette période pascale, Nicolas a dû leur tirer les cloches“.
Jean-Marc Ayrault président du groupe socialiste a défendu le parlementaire auvergnat.”M. Lefebvre veut faire oublier qu’il a lui-même déserté l’hémicycle au moment où il devait prendre la parole avant le vote et qu’il n’a pas participé au scrutin“. “Il est plus que temps qu’il reprenne ses esprits et apprenne le respect des procédures parlementaires que le président de séance a scrupuleusement défendues“, conclut le chef de file des députés PS.
A noter également, les applaudissements à l’issue du vote, du député de droite Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République) déjà connu pour son opposition à la loi DADVSI puis à la loi Hadopi, qui avait publié une lettre ouverte aux Parlementaires exhortant ses collègues à rejeter le texte lors de sa ratification au Parlement.